Un randonneur trouve toujours une raison valable pour lever à l’aube son bivouac. Cette fois, c’est la lessive en prévision qui sert de prétexte : Ivonig désire arriver au plus vite au monastère de la Grande Laure, où nous dormons ce soir, afin que le soleil sèche le plus longtemps possible le linge qu’il compte y laver.
Nous nous réveillons donc aux premières lueurs. L’un des trois Bulgares est déjà debout et contemple en silence le lever du soleil. Ses compagnons dorment encore. Nous empaquetons nos affaires à la hâte, le saluons et entamons la descente. Notre objectif est situé 1900 mètres plus bas, à quatre bonnes heures de route.
La lumière du matin magnifie le refuge de la Panagia et la montagne alentour. Il est plaisant de marcher dans ces conditions et nous avançons à vive allure. Ce n’est qu’aux abords de Stavros que nos articulations commencent à se lasser des chocs qu’elles subissent. Arrivés au croisement, nous partons plein est sur une pente qui s’adoucit et ignorons plus loin le chemin descendant vers le skite de Kapsokalivia, où ont vécu de célèbres peintres d’icônes. Nous continuons tout droit, dans la forêt, puis à travers des épineux, et de nouveau dans une forêt, composée de feuillus massifs qui semble n’avoir jamais souffert l’influence humaine.
La longue descente du mont Athos
Un des Bulgares, plongé dans ses rêves
La Panagia vue des hauteurs
La forêt entre la Panagia et le Stavros
Un passage plus cycladique
L’arrivée dans la seconde partie en forêt
Des arbres massifs émaillent le sous-bois
Un moine surgit des bois
La descente s’effectue continuellement sur le sentier ancestral ; à aucun moment l’on ne croise de chemin carrossable, ni une quelconque construction. La nature est totalement préservée jusqu’aux abords du skite de Prodromos. Alors seulement, nous débouchons sur une route de terre. En quelques minutes, elle nous conduit au skite, situé à la pointe sud-est de la Montagne sainte. Un peu au-delà, de grandes falaises marquent la fin de la péninsule. C’est dans une grotte de ces falaises qu’a longtemps vécu en ermite saint Athanase, le fondateur de la république monastique du mont Athos.
Bien que Prodromos soit considéré comme un skite dépendant de la Grande Laure, il est aussi imposant qu’un monastère officiel. Et pour cause, y vit la principale communauté de Roumains, le seul grand peuple traditionnel du monde orthodoxe qui ne dispose pas d’un des des vingt monastères saints, les Russes étant installés à Rossikon, les Bulgares à Zographou et les Serbes à Hilandar. La patte roumaine se ressent dans le style architectural du skite, très différents de ceux que nous avons déjà visité.
Le skite de Prodromos
Le skite et les falaises où s’isolait saint Athanase
L’entrée du monastère
Une tombe près de l’entrée
Le katholikon
Une balade dans la cour, une petite pause dans l’archontariki et nous partons plein nord, vers le monastère de la Grande Laure. La majorité du parcours s’effectue par défaut sur une piste carrossable. Il faut attendre la section finale pour pouvoir bifurquer sur une sente envahie d’épineux et percer à travers la nature jusqu’à notre objectif.
A la différence des quatre monastères que nous avons déjà visité, édifiés sur des surfaces en pente, voir contre la falaise, celui de la Grande Laure a été bâti sur un plateau herbeux. De ce fait, sa silhouette saisit moins le regard quand elle apparaît au loin, et c’est seulement lorsqu’on l’atteint qu’on est impressionné par l’aspect massif de ses murailles, et plus encore par leur dimension : elles forment une enceinte rectangulaire qui entoure le monastère sur une longueur de deux cents mètres et une largeur de soixante. A l’intérieur de l’enceinte, ce n’est pas une cour serrée a moitié occupée par le katholikon que nous découvrons, comme à Dionysiou ou Grigoriou, mais un vrai petit village.
Avant de l’explorer, nous nous présentons à l’archontarion et sommes assignés à une chambre, pour la première fois en trois nuits sur l’île. Il y a très peu d’autres pèlerins, le monastère étant, du fait de sa position excentrée, peu visité malgré sa préséance dans la hiérarchie du mont Athos. Nous déposons nos affaires dans notre chambre, prenons une douche salvatrice, lavons notre linge et l’étendons, un peu gênés, sur la façade de notre gîte.
L’arrivée au monastère de la Grande Laure
La silhouette de la Grande Laure surgit au bout du sentier
La partie nord de la muraille
L’entrée du monastère
L’archontariki où nous sommes reçus
Le gîte où nous logeons
Notre linge étendu discrètement dans le passage voûté du gîte
Une chambre tout confort
Il est encore tôt ; pour la première fois depuis notre départ, rien ne presse et nous pouvons longuement flâner dans le vaste espace rectangulaire qu’enserrent les murailles. On se retrouve transporté des siècles en arrière, dans un bourg fortifié du Moyen Age. Son sol est intégralement recouvert d’un pavé inégal, que percent ici et là quelques brins d’herbes. Il est émaillé de multiples chapelles et bâtisses, qui marquent le regard par leur allure ancestrale, et plus encore par l’hétérogénéité de leurs couleurs, de leurs formes, de leurs textures. Chacune semble avoir été érigé selon des normes architecturales différentes. Les styles les plus divers s’y sont exprimé à travers les siècles. J’y vois la marque de l’ancienneté du monastère, le plus vieux du mont Athos et pendant longtemps le plus glorieux.
A l’intérieur du monastère de la Grande Laure
La façade intérieure de la partie sud de la muraille
Une des quinze tours de l’enceinte fortifiée
Le pavage inégal
La cour centrale
L’entrée du réfectoire
Une fontaine
Un cellier ?
Nous nous baladons de tout côté avant d’observer de plus près l’église principale, qui est le plus ancien katholikon orthodoxe, celui qui a inspiré tous les autres. Son narthex est couvert de peintures que la lumière éclaire à travers des vitraux colorés. Lorsque démarre l’office vespéral, nous pénétrons dans la nef. Ses parois intérieures sont intégralement peintes ; des quatre nefs de katholikon que j’ai vu de l’intérieur, c’est celle qui m’a laissé la plus vive impression.
Le katholikon de la Grande Laure
Le katholikon vu depuis le nord
Le narthex du katholikon
Une porte en métal dans le narthex
Peintures murales du narthex
Détail du toit peint du narthex
L’entrée de la nef
Dès la fin du repas, nous filons du réfectoire vers notre lit, dont nous comptons profiter le plus longuement possible, sachant qu’il nous faut en sortir dès 6 heures du matin, une demi-heure avant le départ du minibus à destination du monastère de Karakallou. Nous ne devons le rater sous aucun prétexte, sous peine de compromettre la suite de notre séjour ; j’expliquerai pourquoi dans le récit suivant.