Après deux journées très intenses, je m’attendais à que les suivantes soient moins épiques, tant du point de vue de la beauté des paysages traversés, ce qui fut en effet le cas, que de celui des difficultés physiques et techniques. Sur ce second point, j’eus quand même quelques surprises, liées à trois improvisations hors balisage que je me permis d’entreprendre, dont aucune ne fut une franche réussite.
Peu après avoir levé le camp, j’atteins le hameau de Glenmalure, étape habituelle des randonneurs qui ne bivouaquent pas. Les sentiers parcourant la région sont décrits en détail sur un panneau cartographique faisant face à une belle auberge. J’y apprends que les prochains kilomètres de la Wicklow Way sont fermés, ce qui oblige les marcheurs à opérer un long détour par la route goudronnée. Plutôt que de me plier à ce calvaire, je me sers de la carte pour élaborer une autre trace passant par le mont Fananierin et rejoignant le tracé original peu avant le site du troisième abri aménagé, celui de Mucklagh. Une pause chocolat chaud dans l’auberge, une seconde pause sur le pont franchissant la rivière de l’Avonbeg et je m’élance hors balisage, avec pour seule aide une photo des cartes du panneau prise avec mon smartphone.
Autour de Glenmalure
Vue sur la vallée de Glenmalure, peu après avoir quitté l’abri de Mullacor
L’auberge de Glenmalure
A l’intérieur de l’auberge
Vue sur la campagne depuis le pont traversant l’Avonbeg
La première partie de mon improvisation est une franche réussite, confirmant la nécessité, dans le parc naturel de Wicklow, de s’émanciper des trails officiels pour pleinement profiter des paysages. Après avoir enjambé une ou deux barrières, j’atteins la crête du mont Fananierin et la longe jusqu’au sommet, au cours une séquence magnifique de deux kilomètres avec vue panoramique sur des montagnes couvertes de landes à l’est, d’herbe et de forêts à l’ouest. Cette orgie de couleurs aurait été parfaite si je n’avais pas pris sur la tronche une averse de grêle aussi courte que violente.
Depuis le sommet, je déboule dans un bois de pins qu’il me faut perforer vers le sud-ouest pendant deux petits kilomètres pour croiser le tracé de la Wicklow Way. Sur le papier, l’entreprise semble aisée. Il en ira tout autrement dans la réalité, le sentier indiqué n’existant plus et le sous-bois étant très dense, son sol une suite de talus et de fossés remplis de tourbe, ses rares voies de passage barrées d’immenses troncs d’arbres. Il me faut grimper, ramper, casser des branchages, prendre garde à tous les endroits où je pose pied. La lutte nécessaire pour m’extirper de cette enfer s’étale sur plus d’une heure. Seul bon moment de cet éreintant hors-piste, l’instant où je débouche sur un sentier, face à une marque de balisage de la Wicklow Way m’indiquant que c’est celui que je recherche.
L’improvisation sur le mont Fananierin
La montée vers la crête
La ligne de crête du Fananierin
Vue vers l’est jusqu’à la côte, avec des monts dominés par la lande
Vue vers l’ouest et l’intérieur boisé des terres
L’ascension finale du mont Fananierin
Le moment libérateur où je retrouve sur le sentier
Quelques minutes plus tard, j’atteins l’abri de Mucklagh, un véritable dépotoir ; je me félicite de ne pas avoir projeté d’y dormir. Il est installé sur les flancs du mont Carrickashane, à l’extrême sud des montagnes de Wicklow. Au-delà s’étend la campagne vallonnée du Leinster, que je peux admirer un peu plus loin depuis les flancs de l’ultime sommet de Ballycurragh. Comme souvent en Irlande, ma pause contemplative est interrompue par les caprices du climat. Une épaisse masse nuageuse arrose des terres loin à l’ouest ; elle ne semble pas présenter une menace immédiate au moment où je m’assois pour engloutir un twix. Deux minutes plus tard, sans que j’y aie pris garde, elle est au-dessus de ma tête, me gratifiant par surprise de la plus terrible saucée du séjour.
L’humide sortie de la montagne de Wicklow
La cabane de Mucklagh
Son intérieur très sale
Premier panorama sur la campagne du Leinster
Le nuage gorgé d’eau qui me fond dessus depuis l’ouest
La fin de la journée sera plus clémente, sur le plan météorologique du moins, le parcours consistant, sauf exception, en une suite lassante de routes goudronnées, qu’égayent heureusement de jolis panoramas sur la campagne. Après cinq repas se résumant essentiellement à de la semoule froide, je rêve de quelque chose de plus consistant et consent pour ce faire à un détour par le village de Tinahely. Je l’atteins au terme d’un passage hors-sentier légèrement raté et d’un final très dangereux sur des routes étroites, bordées de talus empêchant toute visibilité. A Tinahely, l’accueil est royal, le premier Irlandais que je croise m’autorisant à camper dans son jardin. Côté nourriture, c’est moins glorieux : je ne garde pas un souvenir fameux du copieux repas ingéré dans l’auberge du coin.
Dans la campagne du Leinster
Les murets bucoliques longeant une route moins bucolique
Un des rares sentiers que j’emprunte dans l’après-midi
Vue sur la campagne depuis ledit sentier
Les ajoncs nombreux rappellent ma terre natale
Le village de Tinahely surgit dans le vallon
La route très dangereuse qui mène à Tinahely
Ma tente plantée dans un jardin du village
L’entrée du repas douteux dont je me suis contenté ce soir-là
C’est la première fois que je dors seul dans ma tente Double Rainbow ; je découvre un véritable palace. Son confort, ajouté à sa légèreté et à son faible encombrement, met un terme définitif à l’idée de m’acheter une tente une place de qualité pour mes futurs voyages en solitaire. Celle que j’ai déjà fait largement l’affaire !