Après deux nuits mouvementées sous ma tente, c’est avec l’intention de finir la journée dans une chambre d’hôtel que je pars en direction de Los Silos, un village prolongeant la zone urbaine de Buenavista del Norte. Une fois de plus, les choses ne se passeront pas comme je le prévoyais.
En rouge, le parcours finalement effectué le troisième jour (lien openrunner)
Dans l’immédiat, je suis la randonnée balisée me ramenant, à travers de vertes collines, au villa de Teno, dans la taverne duquel je compte faire une seconde halte. Elle est fermée; je continue ma marche vers l’est avec un simple twix dans l’estomac.
De retour à Teno
Le profond vallon d’où ont déferlé toute la nuit des bourrasques sur ma tente
Les collines entourant Teno
A l’approche de Teno, un Teide toujours aussi enneigé surgit à l’horizon
Dès la sortie du village, je m’engage avec plaisir dans un chemin pavé admirable qui perce à travers des sous-bois mêlant plantes européennes et tropicales ; il me conduit jusqu’au-delà de la Montana del Conde. De l’autre côté, la vallée d’El Palmar ; elle surgit dans toute son étendue lorsque j’atteins le col. En la contemplant, j’intègre définitivement ce que Tenerife a à offrir au randonneur : un contraste permanent entre des paysages majestueux et des zones habitées sans aucun charme, si ce n’est leur situation. Le repas que je prends à El Palmar me permettra d’établir un autre constat rarement démenti quant à la fadeur de la nourriture servie dans les gargotes locales. Au moins est-elle copieuse et bon marché.
Vers El Palmar
Le chemin pavé, en descente…
…et en montée
La vallée d’El Palmar et l’étrange monticule de terre fissuré qui en forme le centre
La descente finale vers le village d’El Palmar
Un exemple de flore locale
Le ventre plein, j’entame la seconde ascension de la journée, à destination du Pico del Cuervo. Je chemine quelques temps sur sa crête, d’où l’on jouit de panoramas exceptionnels sur le massif du Teno.
Au sommet du Pico del Cuervo
Les dernières maisons d’El Palmar dépassées durant l’ascension
Sur la crête du Pico del Cuervo
Depuis la crête, vue sur mon objectif, le village de Los Silos…
…sur le menaçant Pico del Teide…
…et sur la vallée d’El Palmar que je viens de quitter
Du Pico del Cuervo, je dois dégringoler 700 mètres de dénivelé pour entrer dans le village de Los Silos. En soi exigeante, la descente est compliquée dans son premier tiers par un revêtement boueux ultra-glissant. Malgré toutes mes précautions, je dérape constamment et chute même sans conséquence, d’où ma satisfaction lorsque le chemin terreux devient pavé. Un peu plus loin, il forme de beaux lacets qui s’enchaînent jusqu’au littoral. Le sentier échoue dans la vallée sur une route menant à Los Silos. Elle longe quelques unes des vastes plantations de bananes emplissant, sur le littoral nord de l’île, la bande de terre coincée entre les montagnes et la côte.
L’arrivée à Los Silos
Les premières rampes très glissantes de la descente
Les vues sur la vallée se maintiennent tout du long
La section pavée, plus reposante
Quelques lacets du chemin pavé
La route menant à Los Silos, d’où des passerelles peu sécurisées permettent d’accéder aux plantations de bananes
Lesdites bananes, apparemment la principale production vivrière de l’île
A Los Silos, je repère une auberge de jeunesse qui me semble être l’endroit parfait où passer le réveillon de noël. Mauvaise nouvelle, elle affiche complet. Son gérant me prévient qu’il en ira de même dans toute la zone. Pris de court, je sillonne les alentours à la recherche d’un coin discret où planter ma tente. Un échec complet qui ne me laisse plus qu’un choix : reprendre la route, c’est-à-dire m’enfoncer dans le massif du Teno en espérant trouver un coin plat où m’installer d’ici la unit. Je n’ai que deux grosses heures devant moi, autant dire pas grand chose ; c’est au pas de course que je m’engage dans les premières rampes d’une grimpe de presque 1000 mètres menant à Erjos.
Après avoir avalé cent petits mètres de dénivelé sur de belles sections pavées, j’aperçois à droite du sentier une étroite bande de terre où serpente un gros tuyau percé ; un jet d’eau en jaillit et forme une petite flaque transparente dont le surplus déborde constamment sur les pentes. Une occasion idéale pour laver mon corps et mon linge après trois jours où j’ai beaucoup sué. Une demi-heure plus tard, je repars propre, mais plus pressé que jamais par la nuit imminente.
Le départ forcé de Los Silos
Le sentier pavé qui s’enfonce dans le massif du Teno
Vue rétrospective sur Los Silos
Un joli pont aux abords de l’endroit où je me suis lavé
Profitant de très bonnes jambes, je progresse au pas de course, uniquement préoccupé par le repérage d’un lieu de bivouac adéquat. Quête bien difficile, tant l’endroit est escarpé, rocailleux et densément couverts de buissons entremêlés de ronces. Dans le doute, je vise un site en replat indiqué sur les cartes à 400 mètres d’altitude. C’est une ferme abandonnée, à la toiture défoncée et au sol jonché de pierre ; après avoir longuement hésité, je renonce à m’y installer et reprend l’ascension, plus circonspect que jamais.
J’ai avalé plus de 500 mètres de dénivelé quand le revêtement pavé laisse place à une sente volcanique sablonneuse. Peu après, elle s’élargit sur une petite crête, où elle forme un promontoire plat dénué de toute végétation. Il y a largement de quoi poser ma tente. La nuit tombe, la seconde partie du parcours replonge dans la végétation et semble aussi peu propice au bivouac que la première ; je dois saisir l’occasion et dresser ici la tente.
Le sol très compact rend impossible l’usage de sardines. Je peux y remédier en fixant les cordes de coin de ma tente à des caillasses mais je crains que ce système bancal vole en éclats si je subis la même tempête nocturne que la veille. Je commençais à tergiverser quand je me rends compte que des vents sévissent déjà bruyamment dans les vallons que je surplombe et que mon lieu de bivouac semble être à l’écart des couloirs où il s’engouffre. Espérant que cette configuration perdure jusqu’au matin, je m’installe définitivement et m’endors avant même d’avoir achevé de digérer ma semoule.
A la recherche d’un bivouac
La ferme en ruines où je renonce à bivouaquer
Impossible de poser ma tente sur les bords du chemin, parfois touffus…
…parfois en pente
…et pas la peine d’essayer m’écarter du chemin : il n’y a autour que de profondes falaises
La petite crête de sable volcanique où je pose finalement ma tente
Durant la nuit, les conditions se gâtent, de fortes pluies s’abattant même sur ma tente ; elle les subit sans sourciller, mon installation se révélant aussi étonnamment solide qu’elle fut étonnamment fragile la veille.