Comme les précédentes, la quatrième journée de marche me réserve des surprises plus ou moins agréables. C’est en effet ce jour-là que je me vois contraint de saborder une partie de mon tracé.
En bleu, le parcours du quatrième jour (lien openrunner)
C’est pourtant sous de bons auspices que démarre ma journée : la pluie nocturne a cessé à l’aube et elle ne viendra quasiment plus m’importuner du séjour. J’avale en vitesse les quelques centaines de mètres de dénivelé qui me séparent du village d’Erjos et y engouffre un burger entouré de quelques uns des nombreux cyclistes qui s’entraînent à Tenerife en hiver.
La grimpe matinale vers Erjos
Le sentier perce à travers des forêts humides…
…parfois très denses
La vallée remontée depuis la veille
Le village d’Erjos
Un panneau de randonnée local m’aide à peaufiner ma trajectoire. J’ajoute quelques détours à mon tracé initial, qui me permettent de passer dans de vieilles fermes bâties avec de la roche volcanique. En face de l’une d’elles, la plus grande aire de battage traditionnelle que j’ai pu admirer lors de mes pérégrinations méditerranéennes. Ma bonne humeur perdure toute la matinée ; elle ne disparaîtra que lorsque j’aurai atteins le village San Jose de los Llanos.
Vers San Jose de los Llanos
Les jolis sentes à la sortie d’Erjos
De vieilles fermes muséifiées
L’aire de battage qui leur fait face
Une chapelle votive
L’église de San Jose de los Llanos
Ayant prévu de recharger mes victuailles à San Jose de los Llanos, je tombe sur un village désert où tous les commerces sont fermés. A midi le 25 décembre, j’aurais du m’y attendre. Mon imprévoyance a de désagréables conséquences.
En effet, l’endroit est ma dernière étape dans la civilisation avant trois jours et demi de marche en totale autonomie dans le massif du Teide. Je comptais atteindre le sommet du Teide au terme d’une ambitieuse boucle par les crêtes de la caldeira de las Canadas, un gigantesque cratère dont il forme le rebord nord. Projet ardu en terme de kilométrage comme de dénivelé, que je doutais dès le départ de pouvoir réaliser, du fait de la contrainte qui m’était imposée d’atteindre le refuge d’Altavista au soir du sixième jour de marche. L’impossibilité de me ravitailler à San Jose compromet définitivement l’initiative, mes victuailles étant presque épuisées.
Je me vois contraint de consacrer mon cinquième jour à un aller-retour vers le village de Chio depuis le Merendero de Chio, l’aire récréative où j’ai prévu de passer ma quatrième nuit. Dans la matinée, j’ai repéré sur les panneaux cartographiques d’Erjos des sentiers permettant de le faire. A Chio, je rechargerai mes vivres avant d’entreprendre l’ascension directe du sommet du Teide par sa voie habituelle. Un tracé moins ambitieux qui m’offre la consolation de transiter par un autre site remarquable du massif, le volcan de Pico Viejo, deuxième sommet de l’île et théâtre de la dernière éruption enregistrée à Tenerife.
Cette modification du tracé actée, je pars en direction du Merendero de Chio. Les forêts de pins que je traverse se clairsèment progressivement, et bientôt je pénètre dans une sorte de désert volcanique sans la moindre trace de vie. L’uniformité de son revêtement sablonneux noirâtre n’est perturbée que par de rares caillasses. En soi inquiétantes, ces terres désolées le sont d’autant plus qu’un épais brouillard les couvre et que la trace qui guide ma progression finit par disparaître. Pendant un bon quart d’heure, j’avance au milieu de nulle part, guidé par ma boussole, tel un astronaute sans scaphandre. Seul point de repère, les pentes du piton rocheux Hoya de los Meleros, que le brouillard me laisse parfois apercevoir à ma gauche. La séquence dans ce no man’s land ne prend fin que lorsque quelques silhouettes d’arbres percent à travers la brume.
Courte improvisation dans un désert volcanique
Les pins des forêts que je traverse…
…se raréfient…
…et laissent progressivement place à un désert volcanique
La trace, d’abord nettement visible…
…devient, au cœur du désert, presque imperceptible
Les pentes du Hoya de los Meleros surgissant parfois à ma gauche
Le moment où resurgit devant moi une forêt de pin
J’ai retrouvé la forêt mais pas encore mon chemin. J’erre quelques temps au hasard, repère une piste, l’identifie sur mes cartes et peut ainsi rejoindre ma trace initiale. Mes problèmes d’orientation réglés, j’accélère à travers un paysage volcanique où alternent bois de pins et monticules rocheux, pressé d’arriver à l’aire récréative où je compte m’établir pour la nuit. Une heure et demie plus tard, arrivé au pas de course en vue de la route grimpant vers la Caldera de las Canadas, j’ai pas mal d’avance sur mes prévisions. Cela me laisse le temps approcher mon objectif final par des pistes alternatives filant en surplomb de l’asphalte et traversant de jolies collines volcaniques. Ainsi puis-je restreindre mon passage sur la route goudronnée au dernier kilomètre de marche.
Sur un sentier volcanique
Les bois dégarnis où j’erre à la recherche d’une piste
La piste qui me ramène sur mon tracé
Sur ses côtés, d’étranges chaos rocheux
Sections de la sente que j’emprunte durant des kilomètres
Les collines bordant la route
La piste finale qui me ramène au goudron
L’aire récréative de Merendero de Chio où je déboule est semblable celles que je reverrai souvent sur le territoire espagnol : vaste, fréquentée par des familles, comptant de nombreuses tables bordées d’un emplacement de barbecue, de plusieurs points d’eau et de sanitaires, avec interdiction formelle d’y camper, sauf autorisation spécifique. Cela ne m’a pas empêché d’y poser ma tente dès le départ de la dernière famille de touriste.