A la sortie du parc de Paklenica, la chaîne du Velebit s’étire en banane vers le nord-ouest, le long de la Méditerranée. Mon tracé, calqué sur la Via Dinarica, suivra en cinq jours sa crête centrale sur 100 bons kilomètres. Il empruntera, dans sa seconde moitié, le très commode sentier Premužić, et dans sa première, ici relatée, des voies moins fréquentées, mal entretenues et de ce fait bien plus ardues.
En rouge, les sections éprouvantes de la Via Dinarica
Le premier après-midi est le plus clément: j’y traverse, sous un ciel encore amical, des plateaux bosselés où alternent clairières et forêts de feuillus.
Les hautes-terres du Velebit
De ces monts aplatis, un seul se détache: le Visočica, que j’affronte en fin de journée.
Le Visočica vu d’orient et d’occident
De là-haut, je contemple une dernière fois l’arrière-pays croate; les panoramas ultérieurs donneront tous sur la mer.
J’entendais faire halte pour la nuit dans un refuge voisin… qui est fermé!
Je n’ai qu’une heure de jour pour atteindre l’abri suivant… distant de 7 kilomètres! J’ai beau forcer l’allure, sur un parcours plutôt descendant, la nuit m’enveloppe bientôt et c’est à la frontale, dans un raidillon assez ingrat, que j’achève ma course improvisée, avec plus de 30 bornes dans les jambes.
La vallée finale où je me débats, photographiée au crépuscule
Heureusement, mon point de chute, la cabane Tatek, est libre d’accès, correctement entretenue et ses réserves alimentaires si fournies que je m’octroie un copieux dîner.
La cabane Tatek
Je ne découvre qu’au réveil l’environnement enchanteur de l’abri, que l’obscurité m’avait empêché d’apprécier la veille.
La cuvette de la cabane Tatek
Ce matin-là, l’omniprésence des nuages voile tout panorama; je n’en ai cure, les 10 kilomètres à venir s’effectuant intégralement en sous-bois.
Vers le refuge Šugarska Duliba
Sous un ciel couvert…
…je traverse des forêts automnales…
…que magnifient parfois quelques éclaircies
Alors que les feuillus se rapetissent…
…je déniche sur des pentes plus dépouillées…
…l’ultra-moderne refuge Šugarska Duliba…
…dont l’espace intérieur, baigné de lumière, dispose d’un poêle flambant neuf, d’un éclairage électrique, d’une pompe à eau et de prises USB
L’abri Šugarska Duliba tombe à point nommé: j’y déjeune à l’abri d’une série d’averses et m’en éloigne au moment où les nuages s’évaporent, laissant apparaître la mer Adriatique.
Cette parenthèse ensoleillée m’incite à opter pour une variante de la Via Dinarica plus exigeante, mais progressant pendant quelques kilomètres en terrain ouvert, avec à la clef de superbes perspectives sur la mer.
Vue panoramique du littoral croate, du sud au nord
Pressé par la nuit et le mauvais temps, je me réfugie au crépuscule dans une cabane plus petite mais aussi moderne que la précédente: la cabane Ždrilo. N’ayant pas croisé un humain depuis deux jours, je suis surpris de la voir investie par deux randonneurs expérimentés, Budimir et Valter, qui y passent leur samedi soir après s’être rencontrés sur les chemins. Ils m’accueillent chaleureusement, Budimir se réjouissant même de faire goûter à un Français… son foie gras maison!
L’abri Ždrilo et ses occupants
La nuit n’améliore pas la situation et c’est en plein brouillard que je rallie le lendemain, au col routier central du Velebit, le seul hôtel-restaurant de tout le parcours. A cet endroit démarre le sentier Premužić, que je suivrai fidèlement à l’exception de la matinée du troisième jour, consacrée à joindre le refuge Alan au mont Vučjak le long d’une voie secondaire, avant de retourner au refuge Alan par la voie officielle.
La variante vers le mont Vučjak
D’un sentier casse-patte, perspectives sur l’île de Rab…
…et une crête touffue…
…qui culmine au mont Vučjak, dernier sommet de mon tour d’Europe
Du sommet , vue sur le parc du Nord Velebit
Le reste de mes pérégrinations s’effectuera sur le sentier Premužić. Budimir m’en a longuement vanté les mérites; il est temps de m’en faire ma propre idée.