Si la première journée est la plus belle que j’ai accompli sur la Wicklow Way, la deuxième est la plus belle du séjour, précisément parce que je m’y suis affranchi de tout balisage, le temps d’un long détour par le mont Camaderry.
Le parcours de la deuxième journée
Réveillé en pleine nuit par une étrange procession, je le suis de nouveau au petit matin, cette fois par une colonie de randonneurs pré-adolescents. Je fais mon paquetage en vitesse, rattrape et dépasse leur groupe et m’enfonce en éclaireur dans la vallée de Glendalough. Elle porte ce nom en référence aux deux lacs qui l’emplissent ; j’ai tout loisir de les admirer durant la descente. Au creux du vallon, dans un cadre naturel splendide, gît l’ancienne cité monastique de Glendalough, principal site touristique de la région, dont je repère bientôt la tour ronde, la cathédrale en ruine et l’église de Saint Kevin.
L’arrivée dans la vallée de Glendalough
La vue au réveil
Le début de la descente vers Glendalough
Un passage marécageux sur des planches de bois
La rivière de Glenmacnass
La vallée de Glendalough
La tour ronde surgit des bois
Panorama sur la cité monastique : à droite la tour, au centre la cathédrale en ruine, à gauche l’église de Saint Kevin
On accède à la cité monastique par une solennelle passerelle en pierre. La tour, l’église et les ruines sont éparpillées au cœur d’un cimetière irlandais ancestral, aux tombes de granit branlantes et hétérogènes, généralement munies d’une croix celtique. Magnifié par les montagnes environnantes, le site dégage un mysticisme rustique typiquement irlandais qui ne manque pas d’impressionner les nombreux touristes s’activant autour de moi.
Dans la cité monastique de Glendalough
La passerelle d’entrée
La tour ronde
A gauche, la cathédrale en ruine
A l’intérieur de la cathédrale
L’église de Saint Kevin
Vues sur la maison des prêtres, elle aussi en ruine
Quelques vues complémentaires du cimetière, avec les lacs en arrière-plan
Tout en flânant dans le cimetière, je réfléchis à la suite des opérations. Arrivé à Glendalough un jour avant mes prévisions, j’ai les moyens de fusionner les deux alternatives entre lesquelles j’ai longuement hésité durant la préparation du tracé : aller au bout de la Wicklow Way et grimper, hors balisage, le mont Camaderry. Plutôt que d’entreprendre cette dernière ascension le quatrième jour, je peux m’y atteler immédiatement, revenir à Glendalough dans l’après-midi et tenter d’atteindre l’abri de Mullacor avant la nuit. Il me resterait alors deux jours et 60 kilomètres de marche pour joindre Clonegal, village d’arrivée de la Wicklow Way. Projet en soi réalisable, si ce n’est le fait que je devrai l’accomplir sans carte, n’ayant pas prévu de prolonger mon périple au-delà de Mullacor.
J’adopte ce plan et m’élance à l’assaut du mont Camaderry, non sans avoir opéré un détour jusqu’au lac supérieur de Glendalough, niché entre deux ravins. Depuis le lac, je bifurque sur une route carrossable qui serpente sur les flancs du Camaderry. A son terme, comme je l’espérais, un vague sentier file droit dans la pente, vers les hauteurs. Le sous-bois se dégarnit progressivement et j’atteins bientôt des prairies où s’égayent des cervidés dont je n’ai pu identifier l’espèce.
Vers le mont Camaderry
L’arrivée au lac supérieur de Glendalough
La vue sur les monts Lugduff et Mullacor depuis le lac
La forêt traversée au pied du Camaderry, prise en photo quelques heures plus tard
Les pentes du Camaderry, au moment où se je sors de la forêt
Des cervidés fuient à mon passage
Peu de temps après, la forêt laisse place à des landes désertiques qui s’étendent jusqu’au sommet, garnies ça et là de quelques caillasses. Si ce n’est un léger épisode pluvieux, rien ne m’empêche de profiter d’un panorama complet sur les montagnes arides environnant la mienne, panorama qui gagne en magnificence à mesure que je m’élève.
Sur les pentes dégarnies du mont Camaderry
L’ascension à travers un paysage de lande
Panorama vers le nord ; au loin, le mont Tonelagee
Panorama vers le sud ; au loin, le mont Mullacor
Panorama vers l’est ; au loin, la côté orientale de l’Irlande
L’ascension devient en même temps plus rude et plus boueuse
Des caillasses jonchent ça et là le flanc de la montagne
Vue vers l’est depuis le sommet du mont Camaderry
De plus en plus gorgée d’eau, la lande devient une véritable tourbe lorsque j’atteins le sommet. Cette fois, aucun système de planches en bois ne m’empêche m’enfoncer jusqu’aux genoux dans le sol vaseux ; si je veux garder mes pieds au sec, je dois faire très attention aux trajectoires que j’emprunte. Au sommet, la tourbière devient surréaliste. Pour avancer, il me faut louvoyer entre de gros blocs de terre. Ils diminuent en taille quelques temps, mais dans le vallon suivant, menant au second sommet de Turlough Hill, ils resurgissent, plus nombreux et resserrés encore, formant un labyrinthe de monticules herbeux dont les interstices sont des ruisseaux de vase parfois infranchissables. Je fais face à un parcours du combattant dont le principe consiste à transiter de monticule en monticule à travers les passages les moins boueux possibles.
La tourbière entre le mont Camaderry et Turlough Hill
Le sol, de plus en plus gorgé d’eau…
…devient une véritable tourbière
Des monticules creusés par les intempéries surgissent du sol
Un sentier descend à travers la tourbière…
…vers un vallon couvert de monticules herbeux
Gros plan sur un monticule
Au cœur du labyrinthe
Vue rétrospective sur le labyrinthe depuis Turlough Hill
L’enchantement né durant ce passage insolite est brisé par l’horrible bassin d’eau construit sur les flancs de Turlough Hill, qui sert de réservoir d’une centrale hydroélectrique souterraine. S’y achève l’aller de ma boucle. Le retour vers Glendalough emprunte une section de la Kevin Way qui serpente dans le vallon dégarni coincé entre le mont Camaderry et le mont Brockagh ; il est bien dommage qu’une route goudronnée vienne ternir son atmosphère bucolique. J’y pénètre tout de même le sourire aux lèvres, enjambant avec entrain ruisseaux et vieilles pierres. Moins concentré que durant la traversée des tourbières, durant laquelle je n’avais pas fait un faux pas, je vois mon insouciance châtiée par la nature, et sur un passage boueux apparemment anodin, m’enfonce jusqu’au mollet dans la terre. L’erreur ruine une journée d’attention : c’est bien couvert de boue que je devrai faire halte dans le bar de Glendalough, où m’attend un bon chocolat chaud.
Le retour à Glendalough par la Kevin Way
Le début de la descente, hors-sentier
Le moment où je rejoins la Kevin Way et son balisage très visible
Le vallon menant à Glendalough
Une ruine sur mon passage
Un des ruisseaux que j’enjambe
Les conséquences de mon inattention
La fin de la descente
Vue en arrière sur un escalier en pierre
L’ascension très technique du Camaderry m’a pris plus de temps que prévu. Une fois de plus, il me faut presser l’allure pour atteindre avant la nuit le deuxième abri, qui se situe de l’autre côté du mont Mullacor. Je gravis au pas de course les 500 mètres de dénivelés qui me séparent du col et atteint la cabane à peine plus tôt que la veille.
De Glendalough à l’abri de Mullacor
Dernier coup d’œil sur la cité monastique
Le ruisseau de Lugduff Brook
La fin de l’ascension des landes du mont Mullacor, sur des planches de bois
Le passage au col
L’arrivée à l’abri de Mullacor
Après une marche de 35 bornes, dont quelques unes dans le bourbier d’une tourbière, le sommeil vient aisément.