Tour des monastères du mont Athos (mai 2015) – 1/8 – de Simonopetra à Dionysiou

Un train, un taxi, une nuit à l’aéroport, deux avions, un second taxi, trois heures de bus et de longues plages d’attente intermédiaires: cela fait une trentaine d’heures qu’Ivonig et moi voyageons lorsque enfin surgit devant nous, au soleil couchant, le village d’Ouranoupoli. C’est ici qu’un bateau doit nous embarquer, au petit matin, vers Simonopetra, premier monastère de notre marathon, que nous atteindrons presque deux jours après notre départ de Bretagne. La Montagne sainte est un endroit qui se mérite !

Nous avons la chance de faire halte à Ouranoupoli le jour même de la fête annuelle du village. Un banquet est en préparation au pied de la tour byzantine de Prosphori ; nous prenons notre seul bain du séjour sur la plage adjacente, puis rejoignons les convives. Durant le festin, des Grecs vêtus de costumes traditionnels exécutent des danses au son du bouzouki. De nombreuses femmes sont présentes ; nous n’en verrons plus de la semaine. Même si l’ambiance joyeuse dans laquelle baigne la bourgade est communicative, la fatigue accumulée après une nuit quasi-blanche à l’aéroport et une journée de transit nous rattrape durant la digestion, et nous filons bien vite au lit.

Le village d’Ouranoupoli

Notre lieu de baignade

La fête au village…

Sous la protection de la tour de Prosphori

Nous nous réveillons avec de la marge, histoire d’obtenir au plus vite notre diamonitirion et nos places de bateaux. Première contrariété du séjour, et pas des moindres : le moteur de la navette que nous désirons prendre est cassé depuis quelques jours. Notre trajet est annulé. Aucun autre bateau ne se rend ce jour-là à Simonopetra, et pire encore, le seul de la matinée qui n’est pas encore parti pour Daphni, d’où nous pourrions rejoindre Simonopetra à pied, est déjà complet. A court de solution, nous voilà en train d’envisager le report notre départ au jour suivant, ce qui implique l’abdication de notre objectif, à savoir rallier les vingt monastères, mission impossible en six jours seulement. La frustration est grande ! Nous luttons tout de même sans y croire avec les gérants de l’agence maritime, quand miracle, ils acceptent de faire du surbooking et de nous embarquer avec quelques autres pèlerins sur la dernière navette déjà pleine, où nous nous serrons comme des sardines, le sourire aux lèvres.

L’embarcation démarre à l’heure et parvient plus vite à Daphni que l’aurait fait notre bateau initial s’il avait été en état. A peine débarqués, nous filons à travers la petite foule s’agitant sur les quais, prêts à nous lancer dans la montagne vers Simonopetra, quand nous apprenons par hasard qu’un bateau va bientôt partir, qui joint Daphni à la Grande Laure en passant par le monastère que nous visons. La routourne tourne, comme dirait l’autre.

Nous sautons dans ledit bateau. Il met du temps à s’élancer et traîne en route, si bien que c’est avec deux heures de retard sur l’horaire prévu la veille que nous débarquons dans l’arsanas de Simonopetra (un arsanas étant le port d’un monastère qui n’est pas construit en bord de mer). C’en est terminé, croyons-nous, de notre lutte dans les transports de toute sorte, la suite ne dépend plus que de nous-mêmes !

Le trajet accidenté vers l’arsanas de Simonopetra

L’embarcadère d’Ouranoupoli

Notre navette surchargée passe au large du monastère de Dochiariou

Le port de Daphni où nous faisons escale

Le moment où le monastère Simonopetra apparaît dans la montagne ; en bas à droite, son arsanas

Vue sur l’arsanas depuis le ponton

Simonopetra et son arsanas

Le débarcadère où nous posons pied est prolongé d’une belle tour médiévale. L’endroit est pittoresque, la végétation luxuriante et la silhouette de Simonopetra se détache dans les hauteurs, majestueuse. Nous sommes déjà saisis par l’atmosphère, et notre exaltation devient pure euphorie dès que nous foulons les premières tronçons, splendides, du chemin pavé qui mènent au monastère. Les émotions vécues à cet instant sont encore aujourd’hui, les plus vives que nous avons ressenti au cours de nos pérégrinations.

Le parcours de l’après-midi

Nous devons refréner toutefois notre humeur contemplative. Nous avons perdu deux heures sur l’ordre du jour que j’avais planifié, et il nous faut avoir atteint le monastère de Dionysiou avant les vêpres. Un timing quasi-intenable, qui nous contraint à grimper à toute allure le sentier menant au monastère de Simonopetra.

Le chemin pavé montant au monastère de Simonopetra

Premiers tronçons du kalderimi

La première partie, dans une forêt…

…dont nous surgissons progressivement

Le plus beau passage

Le croisement où l’on peut partir vers le monastère de Grigoriou

L’arrivée à Simonopetra

Nous maintenons un rythme élevé jusqu’à un croisement ; il faut prendre à gauche pour atteindre notre premier objectif, à droite pour le suivant, le monastère de Grigoriou. Nous faisons un détour express par Simonopetra, véritable forteresse perchée à la tibétaine que nous visitons en tout sens, ébahis comme des enfants, même si la beauté de sa façade est ternie par les travaux qu’elle subit.

Le monastère de Simonopetra

La façade en réparation

Les jardins en terrasse du monastère, où s’affaire un moine

Le chemin bordant les jardins et conduisant à la cour intérieure

L’approche de l’enceinte

L’entrée proprement dite du monastère

La cour intérieure ; au centre, l’archontariki

La façade principale du monastère

Le premier moine que nous croisons, le long de ladite façade

Vue vertigineuse sur les jardins depuis la façade

Ivonig dans l’archontariki, picorant des loukoums

Exemples de peintures murales

Après une petite pause dans l’archontariki, la pièce où sont accueillis les pèlerins, nous voilà de retour au croisement ; nous choisissons cette fois la direction de Grigoriou. Un plaisir différent nous y attend : au chemin pavé succède un sentier louvoyant dans les escarpements de la roche, aux bâtisses médiévales une végétation dense où batifolent les papillons. Le ton est donné pour le séjour.

De Simonopetra à Grigoriou

Portion typique du sentier

La nature verdoyante 

Un ermitage dans la montagne

Le point culminant de notre marche du jour

Nous filons jusqu’au monastère de Grigoriou, dressé sur un caillou en bord de mer. Même étonnement architectural, auquel s’en ajoute un autre : Simonopetra n’accueillant pas de pèlerins la nuit, nous n’en avions croisé aucun ; à Grigoriou, il en va autrement, de nombreux laïcs sont présents, et tous nous alpaguent amicalement, curieux de savoir nos origines, nos intentions, nos objectifs. Il en ira de même dans chaque monastère. Tous les pèlerins que nous croiserons, Grecs ou étrangers, nous adresseront la parole, et nous alternerons ainsi pendant sept jours marche et discussion, sans jamais reprendre notre souffle, dans une ambiance fraternelle constante, si on excepte nos rapports avec quelques moines rigoristes souffrant mal notre non-orthodoxie.

Le monastère de Grigoriou

Vue sur le monastère depuis le sentier

L’arsanas de Grigoriou

Un exemple typique de l’architecture athonite : murs en pierre, balcon en bois, toit de lauze

La cour extérieure du monastère

Le baptistère

Détail des peinture intérieures du toit du baptistère

Une mosaïque surplombant la porte d’entrée de la cour intérieure, représentant le fondateur saint Grégoire

La cour intérieure, où discutent moines et laïcs ; en rouge, le katholikon

Le katholikon

L’aile ouest, où se trouvent les chambres des pèlerins

Fresque murale du katholikon

A Grigoriou, nous avons bien du mal à écourter les discussions ; il le faut pourtant, car nous ne pouvons prendre le risque d’arriver au monastère de Dionysiou après la fermeture des portes. Nous partons donc, et nous astreignons sur le chemin, très accidenté, à un détour par la cave ou vécut l’ermite Grégoire, fondateur du monastère. Cela nous coûte un quart d’heure et nous met définitivement dans le rouge.

Entre Grigoriou et Dionysiou

Le monastère de Grigoriou vu du sentier

Un détour vers la cave de Grigoriou

Un toit de lauze typique à côté de la cave

Le sentier serpentant sur la colline

Gros plan du sentier

Une cascade peu avant notre arrivée à Dionysiou

Un peu plus loin, au détour d’une corniche, le très photogénique monastère de Dionysiou apparaît en contrebas. Une longue descente circulaire nous y amène, trop lentement ; nous perdons encore quelques minutes à admirer et photographier l’immense rempart sur lequel il est bâti, et lorsque nous nous pénétrons enfin dans le monastère encore ouvert, il n’y a aucun moine dans l’archontariki, tous s’affairant en vue en vue de l’office vespéral et du repas qui suivra.

Quelques vues du monastère de Dionysiou

Vue sur le monastère ; en arrière-plan, la baie du monastère d’Agios Pavlos

Vues rapprochées depuis le sentier

Vue depuis l’arsanas

Vue depuis l’escalier permettant d’accéder à l’entrée du monastère

Nous patientons une demi-heure dans l’archontariki ; alors seulement, un moine vient se préoccuper de notre sort. Il nous apprend que, du fait de notre retard, nos places ont été attribuées à d’autres pèlerins. Nous proposons de dormir au sol mais le moine s’y refuse et envoie l’un de ses frères dégoter dans un débarras des lits de fortune que nous installons sous un escalier. Nous pouvons enfin poser notre balluchon, après avoir passé la journée à nous activer en tout sens !

La journée n’est pourtant pas terminée. Après avoir reposé nos jambes quelques minutes, nous visitons le monastère, et notamment le cloître entourant le katholikon, couverts de fresques ancestrales.

A l’intérieur du monastère de Dionysiou

L’entrée du monastère

Les pèlerins discutant dans la cour extérieure

Le donjon du monastère

Les fresques du cloître

Nos lits de fortune

Ivonig méditant sur le balcon adjacent

Passant durant notre balade à côté de l’entrée ouverte de l’église centrale, nous nous apercevons que l’office a commencé. Des pèlerins écoutent religieusement les vêpres depuis le narthex. De temps en temps, l’un d’entre eux, pris de ferveur, s’élance vers une icône du Christ ou de la Vierge et l’embrasse avec dévotion. Après quelques hésitation, nous pénétrons à notre tour dans le narthex, puis au cœur de la nef, assistons ainsi à la fin de l’office vespéral en observant les murs intérieurs de l’église, entièrement peints, et pénétrons à la suite de l’assemblée dans un réfectoire également peint du sol au plafond, où sont disposés divers mets et du vin sur des tables allongées. Les moines nous y répartissent, et nous nous restaurons sans dire un mot, pendant qu’un religieux sans âge récite un passage de la Bible. Dès qu’il achève sa lecture, il faut lever ses couverts, et quitter en silence le réfectoire.

Le déroulement du processus nous impressionne : c’est une nouvelle expérience qui s’ajoute à celles, nombreuses, que nous avons vécu depuis notre réveil, et malgré la très copieuse marche qui nous attend le lendemain, nous avons, ce soir-là, bien du mal à trouver le sommeil.

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