Après cinq jours d’expériences aussi variées qu’immersives, le sixième est moins passionnant; la faute à des monastères moins enchanteurs et à l’arrivée du mauvais temps.
Un départ très précoce, moins justifié qu’à l’habitude, nous fait de nouveau rater le repas du matin. Notre tracé longe d’abord des vignes étendues, dont nous avons pu goûter la production la veille. Plus loin, il débouche sur un large chemin pavé, bordé de cyprès, qui nous conduit jusqu’à Hilandar. Ce monastère est historiquement dominé par des communautés serbes, ce que nous pouvons deviner à l’alphabet cyrillique particulier inscrit sur les monuments que nous croisons.
Entre Esphigmenou et Hilandar
Les vignes d’Esphigmenou
La voie pavée menant à Hilandar
Un monument couvert d’inscriptions en alphabet cyrillique serbe
Bien qu’il soit quatrième dans la hiérarchie athonite, le monastère d’Hilandar ne nous a guère impressionné. Il est très loin du niveau architectural des quatre autres monastères majeurs que sont la Grande Laure, Vatopedi, Iviron et Dionysiou. L’incendie terrible qu’il a subi quelques années plus tôt ne suffit pas à l’expliquer; le problème vient aussi de sa conformation intrinsèque et du choix des couleurs de ses matériaux et parties peintes.
Le monastère d’Hilandar
L’arrivée au monastère
La cour intérieure; une partie de l’enceinte détruite par l’incendie est encore en reconstruction
Une façade intérieure, aux choix chromatiques douteux
Les beaux sentiers menant au monastère suivant, celui de Zographou, percent à travers une forêt épaisse rendue humide par les pluies nocturnes. Des pèlerins rencontrés à Prodromos nous avaient parlé avec effroi des nombreux serpents présents dans la zone; nous en repèrons en effet plusieurs, de simples couleuvres. Les portions appréciables de chemins pavés se poursuivent de collines en collines et nous amènent soudain en contrebas du monastère bulgare de Zographou, perdu au coeur de la forêt. Une dernière grimpe et nous accédons à l’entrée, devant laquelle est planté un panneau indiquant les monastères et skites alentour en langue bulgare. Le temps se gâtait depuis quelques temps, et au moment où nous franchissons l’enceinte, il se met à pleuvoir, pour la première fois du séjour.
Vers le monastère de Zographou
Une portion typique du chemin pavé entre Hilandar et Zographou
Une couleuvre errant sur le chemin
Zographou surgit de la forêt
Le kalderimi grimpant sur les flancs du monastère
L’immense muraille surplombant le kalderimi
Le panneau indicateur en alphabet cyrillique bulgare
Bien que ses couleurs soient aussi étranges que celles du monastère d’Hilandar, celui de Zographou nous plait bien plus. Particulièrement massif, bâti sur les contreforts d’une colline, il domine un vallon forestier qu’on peut agréablement contempler depuis les balcons de l’archontariki. Nous retrouvons dans le monastère l’un des trois Bulgares rencontrés au sommet du mont Athos. Il est accompagné d’un érudit quinquagénaire qui nous renseigne longuement sur l’histoire de la presqu’île, entre deux discussions avec les moines du coin. Nous l’écoutons avec intérêt jusqu’à ce que l’averse cesse, puis reprenons notre chemin, en direction de notre objectif de la journée, le monastère de Konstamonitou.
A l’intérieur du monastère de Zographou
La cour intérieure et son baptistère
Le katholikon
Une façade à l’architecture anarchisante
La vue sur la forêt depuis l’archontariki
L’ascension que nous entamons dès la sortie du monastère s’entreprend sur un chemin dont le pavé est rendu si glissant par les pluies récentes que nous progressons très lentement. Après nous être arrêté plusieurs fois pour observer la belle vue plongeante sur le monastère, nous pénétrons dans des bois opaques, sur une portion moins bien indiquée qu’à l’habitude. Nous finissons par nous perdre et déboucher sur l’arsanas de Zographou. Il nous faut remonter les collines pour retrouver notre route et nous diriger, sur des sentiers parfois très raides, vers le monastère de Konstamonitou.
De Zographou et Konstamonitou
Le chemin glissant que nous empruntons au départ de Zographou
Le monastère de Zographou vu du sentier
Le monastère et son vallon forestier
Près de l’endroit où nous nous égarons
Une portion typique du sentier parfois très raide menant à Konstamonitou
Première vue sur le monastère de Konstamonitou
Ce dernier est, tout comme celui de Zographou, implanté au coeur de la forêt, dans un vallon certes moins accidenté. Son style architectural est très homogène. Bien qu’ils acceptent l’autorité du Patriarche de Constantinople, les moines de Konstamonitou partagent le rigorisme de ceux d’Esphigmenou. Ils nous soumettent donc, en tant que non-orthodoxes, à des règles similaires: interdiction de participer aux offices, repas à l’écart des autres pèlerins. Cela n’empêche pas le moine qui m’édicte ces règles, sosie de l’intellectuel russe Douguine, de se montrer très amical. Nous étendrons d’ailleurs notre lessive ensemble. D’autres le sont moins, tel cet adolescent au visage angélique qui se charge de débarasser notre table au terme du repas; il ne manque pas de nous fusiller plusieurs fois du regard, sans parvenir à altérer notre digestion.
Outre son rigorisme, la communauté de Konstamonitou partage avec celle d’Esphigmenou des conditions de vie traditionnelles: pas d’électricité, pas d’eau chaude, toilettes à la turque. Nous pouvons néanmoins prendre un semblant de douche, grâce à un tuyau disposé dans les sanitaires. Quant à notre chambre, elle est éclairée à la lampe à huile.
Le monastère de Konstamonitou
La façade nord de l’enceinte
Le porche d’entrée
Le katholikon
En arrière-plan, le réfectoire
Le coin sud-est de la cour
Les sanitaires où nous prenons une douche froide
La chambre éclairée à la lampe à huile
Nous nous endormons dès la nuit tombé, contraints que nous sommes de partir vers Daphni avant même le lever du jour.