Tour des monastères du mont Athos (mai 2015) – 8/8 – de Konstamonitou à Daphni

Afin de ne pas rater le dernier bus qui part d’Ouranoupoli vers l’aéroport de Thessalonique, nous devons arriver avant midi au port de Daphni, et ainsi embarquer à temps pour Ouranoupoli. De Konstamonitou à Daphni, il faute compter presque quatre heures de marche, auxquelles s’ajoutent celles passées à visiter les quatre monastères jalonnant le parcours. Avec les pauses et les erreurs d’orientations éventuelles, nous tablons sur une période de six heures, ce qui nous contraint à démarrer notre marche en pleine nuit.

Nous nous préparons le plus discrètement possible, laissons les autres pèlerins à leur sommeil et descendons dans la cour du monastère. Quelques lampes à huile éclairent vaguement les façades de l’enceinte . De beaux chants liturgiques émanent de l’office nocturne célébré dans le katholikon. L’ensemble crée une atmosphère mystique qui se prolongera jusqu’au lever du jour.

Arrivés devant la porte du monastère, nous craignons un instant qu’elle soit verrouillée. Ce n’est heureusement pas le cas; nous pouvons nous enfoncer dans la nature à la lumière de nos torches. Malgré l’obscurité et la fatigue, nous devons rester attentifs, les premiers arpents du sentier s’effectuant au bord d’un précipice, sur un revêtement qu’une fine pluie rend peu fiable. Le jour se lève très vite ; le soleil est sur le point de surgir à l’horizon quand nous atteignons la côte, et peu de temps après, l’arsanas de Konstamonitou.

La section de marche nocturne

La porte d’entrée du monastère

Le précipice bordant notre sentier

L’arsanas de Konstamonitou au jour levant

Il ne nous reste plus qu’à longer le littoral jusqu’à Daphni. Les deux premiers monastères sur notre route, ceux de Dochiariou et Xenophon, forment sur la côte ouest de la péninsule un duo faisant penser à celui de Stavronikita et Iviron sur la côte est: proches l’un de l’autre, ils sont tous deux superbes, mais totalement différents : l’un est un fort pittoresque bâti en pente, l’autre une vaste forteresse s’étendant sur un plateau herbeux ; l’un est vertical, l’autre horizontal. Tout comme Iviron, Xenophon plaît beaucoup à mon frère. Il les classe au sommet de sa hiérarchie personnelle.

C’est par le monastère de Dochiariou que nous commençons l’enchaînement. On pénètre dans sa partie inférieure au niveau de la mer. Une voie pavée en lacets nous conduit à l’enceinte fortifiée proprement dite, perchée sur une butte. La cour intérieure, exiguë et très inclinée, est presque entièrement occupée par le katholikon, qu’encercle un étroit chemin pavé en pente. Accolés aux murailles, des bâtiments aux formes et couleurs diverses s’élancent en tout sens, dans une sorte d’excentricité architecturale dont nous n’avons pas vu d’équivalent sur la péninsule.

Le monastère de Dochiariou

La voie pavée montant vers l’enceinte

Vue sur la partie sud de l’enceinte du monastère

Les derniers mètres de la montée

La tour d’entrée du monastère

Le sol en mosaïque de l’entrée

La partie nord de la cour intérieure

La partie sud-est et son anarchie architecturale

La partie sud-ouest; au-delà de l’arcade démarre le passage voûté

Le passage voûté, couvert de peintures et de mosaïques

Fresques du baptistère

Au moment où nous achevons notre flânerie dans la cour, un petit groupe de moines sort du katholikon. A leur tête, un homme sans âge, l’air grave, qui nous adresse la parole. Il pense avoir affaire à deux pèlerins souhaitant participer à l’office matinal. D’un ton impérieux, il nous informe que ledit office vient de s’achever et qu’un autre commence dans la foulée dans une autre chapelle, où nous sommes invités à nous rendre à ses côtés. N’osant le contredire malgré le peu de temps dont nous disposons, nous suivons la petite troupe qui descend au niveau de la mer et pénètre en silence dans une petite église. Lorsque le dernier moine s’y est engouffré, plutôt que de lui emboîter le pas, nous nous éclipsons discrètement.

Au terme d’un bref trajet, nous atteignons les contreforts du monastère de Xénophon. Il nous livre la même impression de grandeur que ceux d’Iviron ou de la Grande Laure. Avant de pénétrer à l’intérieur de son enceinte, nous nous baladons autour, histoire d’apprécier les variations de sa muraille.

L’enceinte fortifiée du monastère de Xénophon

L’arrivée côtière au pied de l’enceinte

La façade ouest de l’enceinte

Une tour d’arête de la façade sud

La façade est de l’enceinte

Vue d’ensemble du monastère depuis le sud-est

Au-delà de l’entrée, un corridor pavé en épingle nous permet d’accéder à une cour étroite, axée autour de l’ancien katholikon. On le dépasse par la droite pour déboucher sur une seconde cour, vaste, verdoyante, disposée sur plusieurs niveaux. En son centre, l’actuel katholikon, un des plus impressionnants de la péninsule, entourés d’édifices massifs, dont une originale citerne.

A l’intérieur du monastère de Xénophon

Le corridor d’accès

La première cour, avec l’ancien katholikon

L’archontariki

La seconde cour

Le katholikon

Le réfectoire 

La citerne

Nous quittons le monastère de Xénophon sous un crachin qui s’est transformé en pluie cinglante lorsque nous atteignons celui d’Agios Panteleimon. Ce monastère est aussi appelé Rossikon, en référence à la présence historique de moines russes, plus actuelle que jamais depuis la chute de l’empire soviétique. La domination russe se devine immédiatement aux couleurs et aux formes des coupoles du katholikon, sans rapport avec ce que nous avons déjà vu ; mon frère s’y montre assez insensible. En soi, le monastère n’est pas si grand, mais il est entouré d’immeubles nombreux, probablement destinés à accueillir les pèlerins russes qui affluent un peu plus chaque année et parmi lesquels on compte Poutine lui-même. Pris ensemble, tous ces édifices forment probablement le plus gros site architectural du mont Athos.

Nous dépassons des ouvriers façonnant les lauzes qui remplacent progressivement la tôle verte sur les toits des immeubles, et arrivons devant l’entrée du monastère. Se dégage des lieux une impression inédite de modernité : de grands panneaux plastifiées listent diverses interdictions ; les routes entourant le monastère sont soigneusement goudronnées ; des éoliennes miniatures géométriquement disposés dans un champ adjacent produisent l’électricité nécessaire. La cour intérieure, plate et impeccablement dallée, est l’antithèse de celles en pentes de Vatopedi ou Dochiariou, de celles anarchiquement pavées d’Iviron ou la Grande Laure. L’endroit peine à nous inspirer, la pluie intense n’y contribuant pas.

Le monastère de Saint-Panteleimon

Vue d’ensemble du monastère ; à gauche, des toitures en lauze, qui remplacent celles en tôle verte encore présentes à droite

L’entrée

Le baptistère

La cour intérieure, au dallage et aux couleurs pas très athonites

Le clocher

Le katholikon

Le temps se gâte encore quand nous quittons le monastère de Rossikon pour le dernier de notre liste, celui de Xeropotamou, juché sur une colline, deux cents mètres au-dessus de la mer. Pour ne rien arranger, l’ancien sentier a été détruit et il nous faut lutter une demi-heure dans les épineux avant de retrouver notre trace. Un peu plus loin, le sentier devient une belle voie pavée montant à travers une forêt qui se dégarnit progressivement. Le déluge qui nous tombe sur la tête rend très glissant le revêtement. Cela nous invite à la prudence, mais nous préférons forcer l’allure, pour nous mettre au plus vite à l’abri. Au détour d’un lacet, le monastère surgit à l’horizon ; il est fermé aux pèlerins pour une demi-heure encore. Nous en profitons pour manger nos derniers vivres dans le belvédère jouxtant l’entrée, un abri très opportun.

La montée pluvieuse vers le monastère de Xeropotamou

La première partie forestière de la montée pavée

La seconde partie, dans les buissons

L’arrivée au monastère de Xeropotamou

Dès que le monastère ouvre ses portes, nous en faisons une trop rapide visite, pressés que nous sommes par l’horaire de notre bateau. Ainsi avons nous rempli l’objectif que nous nous étions fixé : visiter les vingt monastères saints du mont Athos en sept jours !

Le monastère de Xeropotamou

La façade sud de l’enceinte fortifiée, vue depuis le belvédère

L’entrée du monastère

La cour intérieure et son baptistère

Le katholikon

Il nous reste une grosse heure pour atteindre le port de Daphni ; nous repartons au pas de course mais sommes contraints de ralentir dans la descente, le pavé étant rendu quasiment impraticable par une pluie toujours battante. Nous dérapons fréquemment, évitant plusieurs fois la chute de justesse. Notre numéro d’équilibriste s’achève, avec notre chemin, sur la route goudronnée qui joint Karyès à Daphni. Il ne nous reste qu’à la longer un bon kilomètre pour atteindre le port.

La descente vers Daphni

Le début pluvieux de la descente

Un des passages les plus glissants

Le port de Daphni, vu depuis la route où nous avons débouché

Nous arrivons devant le guichet où s’achètent les billets quelques dizaines de minutes avant le passage du bateau. Une mauvaise nouvelle nous tombe sur la tête : il n’y a plus de place en vente ! Le guichetier nous affirme cependant que nous devrions pouvoir embarquer, prend nos noms et nous intime l’ordre d’attendre près du guichet. Facile à dire, moins facile à faire, car de nombreux autres demandeurs s’agglutinent autour de nous, avec les mêmes intentions. C’est dans une véritable cohue que nous devons lutter pendant une demi-heure pour conserver notre place. Même les moines jouent des coudes pour ne pas rétrograder. Effort inutile d’ailleurs: à l’arrivée du bateau, une fois embarqués ceux qui avaient réservé leur place, c’est dans l’ordre dans laquelle il avait noté les noms que le guichetier fera monter le reste des passagers.

Le bateau est si surchargé que nous ne trouvons pas de place assise. Trempés jusqu’aux os, nous restons avachi à même le sol toute la traversée. Ainsi démarre un voyage retour éprouvant, dans des vêtements sales et humides, avec une nuit à passer dans l’aéroport glauque de Thessalonique. Notre inoubliable voyage méritait bien tous ces efforts !

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