Traversée de Tenerife (décembre 2016) – 6/13 – d’Asomada del Gato au refuge d’Altavista

Excité par le défi qui m’attend et endormi avant même le coucher du soleil, je lève le bivouac aux premières lueurs. Me voilà parti pour une grimpe continue de 2000 mètres.

Le parcours du sixième jour (lien openrunner)

J’entame l’ascension sur la même rocaille volcanique que la veille, un paysage qui perdure jusqu’à ce que je croise la route qui traverse la caldeira de las Canadas. Je l’emprunte vers le sud pendant deux petits kilomètres, durant lesquelles je dépasse les 2000 mètres d’altitude ; la grimpe proprement dite reprend alors, sur un sentier balisé qui se dirige droit vers le sommet du Teide, dont les contreforts sont constamment visibles à l’horizon. Bonne surprise, ils semblent moins enneigés que les jours précédents. Pour m’y hisser, il me reste 1600 mètres de dénivelé à avaler.

Durant les 500 premiers mètres, l’effort modéré s’effectue sur un sentier sablonneux dont l’inclinaison est constante. Parti d’un sous-bois de pin, je navigue quelques temps dans les hautes herbes, puis dans des paysage de rocailles sans aucune présence organique. A mesure que je m’élève, je profite de panoramas sur les étendues désertiques accidentées de la caldeira de las Canadas gagnent en majesté.

L’immersion dans la caldeira de Las Canadas

Le passage dans les hautes herbes

La silhouette du volcan du Pico Viejo est constamment visible devant moi

La flore se raréfie

Premier panorama sur les masses volcaniques de la caldera

Le Pico Viejo

Vue sur le sentier avalé…

…et sur la caldera s’étendant à perte de vue

Au moment où apparaissent les premières neiges sur ses côtés, le sentier se durcit et son revêtement devient de plus en plus rocailleux, deux éléments qui m’obligent à ralentir le rythme. Alors que je fais une pause pour m’alimenter, j’aperçois un autre randonneur grimpant à vive allure le même sentier que moi. Il me rattrape un peu plus tard ; c’est un Anglais, passionné comme moi par le cyclisme sur route. Nous en discutons en reprenant l’effort; je dois m’accrocher pour suivre sa cadence.

Ma section de marche avec un Anglais

Les premières neiges

Un cratère enneigé

Derrière le cratère, l’immense caldera

L’Anglais qui me rattrape

La caldeira qui s’étend sur notre droite durant notre marche commune

Le sommet du  Teide surgit devant nous

Un peu plus haut, la végétation disparaît totalement

L’Anglais et moi arrivons ensemble en contrebas du cratère du premier objectif de la journée, le Pico Viejo, perché à 3100 mètres d’altitude. Les pentes de ce volcan sont totalement enneigées, si bien qu’on ne repère pas le chemin qui permet de les gravir. Par défaut, nous traçons notre route à travers la poudreuse et atteignons, quelques dizaines de mètres plus haut, la crête circulaire qui délimite l’immense cratère, où nous attend un mémorable spectacle visuel. Nous le savourons à deux, marchons encore quelques temps jusqu’au creux du vallon séparant le Pico Viejo du Pico del Teide et nous séparons là. Le cratère découvert ensemble était en effet l’objectif de mon camarade ; il doit à présent redescendre au creux de la caldeira, où est garée sa voiture, et emprunter pour ce faire le sentier par lequel j’aurais du gravir le Teide si j’avais respecté mes plans initiaux.

Le volcan du Pico Viejo

Les pentes extérieures enneigées du Pico Viejo

Vue depuis la crête sur le fond du cratère…

…sur son rebord occidental…

…et sur son rebord oriental

L’Anglais me prend en photo devant le cratère

Derrière les contours du volcan, le Pico del Teide 

Au sud, les étendues de la caldeira

Après avoir salué l’Anglais, je repars en direction du Pico del Teide, sur des pentes dont l’inclination augmente progressivement. A terme, le sentier devient un raidillon, dont la difficulté est accrue par la couche de poudreuse le recouvrant, toujours plus épaisse. Je ne m’attendais pas à une telle quantité de neige : à certains endroits, je m’enfonce jusqu’au genou ! Malgré tout, je ne suis pas en difficulté, d’autant plus que le temps superbe et l’orientation rendue évidente par les traces de pas de quelques prédécesseurs m’offrent des conditions de marche parfaitement sécurisées. Dans une solitude complète, je profite longuement des décors qui défilent devant mes yeux.

Sur les pentes enneigées du Pico del Teide

Le replat précédant l’ascension finale

Progressivement, la neige prend le dessus…

…et couvre à terme le sentier d’une couche épaisse

Première vue rétrospective sur le volcan du Pico Viejo

Grâce aux traces de pas, le chemin reste repérable ; ici il serpente à droite du vallon

Le Teide dans toute sa majesté

Un passage en replat

Le Pico Viejo vu des hauteurs du Teide

Après une section finale moins sportive, j’aperçois enfin le bâtiment où arrive le téléphérique du Teide, cent mètres sous le sommet. Alors que je m’approche par une large piste de l’esplanade sur laquelle il est bâti, j’ai la surprise de constater qu’une barrière de deux mètres de haut m’en interdit l’accès. De l’autre côté, des touristes arrivés par le téléphérique m’observent avec étonnement. Je le suis tout autant et n’ai d’autre choix, pour continuer ma route, que de grimper par-dessus la barrière. De l’autre côté, il est indiqué que le sentier dont je proviens est fermé à cause de son enneigement et qu’il est strictement interdit de le descendre.

Au niveau du bâtiment principal, deux gardiens empêchent les touristes de grimper au sommet, la neige fondue étant trop glissante. Quelques mètres plus loin, d’autres gardiens interdisent à d’autres touristes de descendre le Teide par l’autre flanc, toujours pour cause d’enneigement. J’alpague l’un d’eux et lui explique que je dois passer, le refuge d’Altavista où j’ai réservé un lit étant situé dans la descente, trois cent mètres plus bas. A mon grand étonnement, il refuse ma demande, m’expliquant que, plutôt que de prendre le téléphérique, j’aurais du grimper au refuge depuis le parking en contrebas, comme le font tous ceux qui y dorment.

Interloqué, je hausse le ton et lui explique que je ne pouvais accéder au refuge que par le sommet, étant un randonneur qui traverse l’île d’ouest en est, et que je ne me suis pas tapé 2000 mètres d’ascension dans la neige pour qu’on m’empêche de descendre quelques centaines de mètres dans des conditions similaires. Tout surpris d’apprendre que je viens de gravir l’intégralité du Teide, le gardien me laisse immédiatement passer, devant une douzaine de touristes que mon passe-droit irrite fortement. Je laisse tout ce beau monde se crêper le chignon et m’engage dans la descente sans demander mon reste.

Autour du téléphérique du Teide

Les dernières pentes avant d’accéder au téléphérique

L’ultime chaos rocheux traversé

Le téléphérique du Teide

Vue sur la caldeira de las Canadas depuis l’esplanade du téléphérique

Les premiers mètres de la descente dont j’ai eu l’accès exclusif

Dès le début de la descente, je comprends pourquoi l’accès en est interdit : sur ce flanc sud-est soumis à l’action du soleil depuis le matin, la neige fondue est extrêmement glissante. Mes chaussures ne sont pas adaptées ; à peine ai-je disparu du champ de vision des touristes que je dérape à plusieurs reprises. Après un détour par un promontoire offrant un panorama sur le nord de l’île, la descente s’accentue, toujours plus glissante. J’avance au ralenti, avec grande précaution, profitant au passage de vues imprenables sur la gigantesque partie orientale de la caldeira de las Canadas. Bientôt la grosse bâtisse du refuge apparaît en contrebas, par intermittence puis en continu.

Vers le refuge d’Altavista

La courte descente vers un belvédère offrant des vues sur le nord de l’île

Le sentier qui suit, d’abord en replat…

…plonge très vite dans la rocaille

Une section particulièrement glissante du chemin

Le toit enneigé du refuge apparaît entre deux rochers

A l’horizon, la gigantesque crête de la caldeira de las Canadas

Les derniers mètres de descente avant le refuge

J’atteins le refuge à 15h, bien plus tôt que prévu. Quelques randonneurs arrivés dans l’autre sens, depuis les vallées orientales, attendent déjà à l’extérieur : il n’ouvre que deux heures plus tard. Lorsque arrivent les gardiens, j’ai eu le temps de me refroidir et mes pieds sont gelés par la neige fondue ; j’ai besoin de manger chaud! Ce ne sera qu’une semoule maison réchauffée au micro-onde, le refuge ne proposant aucune nourriture, si ce n’est quelques barres chocolatées.

Comme nombre d’autres randonneurs présents, je me couche très tôt ; nous comptons tous nous lever à 5h du matin, de sorte à grimper de nuit au téléphérique, d’où l’accès au sommet est, selon les gardiens, autorisé jusqu’au lever du soleil. Et tant pis si je dois pour cela me farcir dans l’autre sens la descente de 400 mètres qui a conclu ma journée.

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