Le deuxième jour du trek est l’occasion d’une immersion complète dans les Calanques.
Parti à l’aube, j’ai pour objectif de sortir du massif en fin d’après-midi, d’atteindre Cassis dans la foulée, d’y trouver un bistrot où regarder le choc de Ligue des champions opposant les deux clubs madrilènes puis de retourner de nuit dormir dans les Calanques. Le seul endroit où l’on peut le faire légalement est l’auberge de jeunesse de la Fontasse. Elle est proche de Cassis mais refuse de m’accueillir à une heure si tardive ; je compte donc me rabattre sur le refuge abandonné du Piolet, situé deux kilomètres plus au sud, près du passage du GR, au bord de la calanque d’en Vau.
En bleu, la deuxième partie du trek dans les Calanques
Reportant à plus tard les questions liées à mon futur bivouac, je me concentre sur un problème plus immédiat. Plutôt que de descendre tout droit dans la calanque de Sormiou, première étape de la journée, j’ai prévu un détour hors balisage par la pointe méridionale fermant l’anse, sorte d’escarpement rocheux allongé qui se conclut par le Bec de Sormiou. Un sentier est censé en parcourir la crête, presque jusqu’à son terme, avant de descendre par son versant nord vers le port de Sormiou. Dans les faits, la trace est peu évidente ; je la perd plusieurs fois et progresse alors au hasard, non sans quelque difficulté. Un effort matinal dont mon corps à jeun se serait fort bien passé !
Sur la crête de Sormiou
La vue au réveil
La calanque de Sormiou vue du début de la crête que je m’apprête à arpenter
Une trace vague serpente à droite de la ligne de crête
Vue sur la côte longée la veille
Le bout de crête déjà avalé
La ligne de crête commence à plonger vers la mer
En contrebas, le village de Sormiou
La brèche où je m’infiltre pour repiquer vers Sormiou
Sormiou
Depuis le port de Sormiou, un raidillon en lacets me permet d’atteindre celui de Morgiou, au-delà de la crête du même nom. Les deux splendides calanques auraient mérité plus jolis villages ; si ce n’est leur situation, ils n’ont rien de bien marquant.
De Sormiou à Morgiou
Le chemin me hissant sur la crête de Morgiou
Vue rétrospective sur la calanque de Sormiou
Vue depuis la crête sur le mont Puget
La calanque de Morgiou
La sente qui mène à une troisième calanque, celle de Sugiton, impose l’usage fréquent des mains, certaines portions étant même aménagées avec des cordes ou des échelles. Au-delà de cap Sugiton surgit devant moi la Paroi des Toits, une impressionnante falaise que je dois remonter par couloir de Cisampe, étroite cheminée coincée entre la falaise et un piton rocheux lui faisant face.
Le franchissement de la Paroi des Toits
Bien que balisé, le tracé menant à la calanque de Sugiton s’apparente à de l’escalade
Un des passages aménagés
La très préservée calanque de Sugiton
La Paroi des Toits ; a son extrémité occidentale, le couloir de Cisampe
Le chemin longe la falaise
Vue rétrospective sur la calanque de Sugiton ; à droite, cap Sugiton ; au fond, cap Morgiou
Le couloir de Cisampe vu d’aval…
…et d’amont
La calanque de Sugiton vue du couloir de Cisampe
Peu après m’être extirpé du couloir de Cisampe, je rejoins le GR, qu’il me faut suivre pendant quelques kilomètres à l’intérieur des terres, sur les contreforts du mont Puget. C’est le moment que choisit le temps pour se gâter soudainement. En dix minutes, me voilà sous des trombes d’eau. Enserré de brumes épaisses, je n’y vois plus à dix mètres, un handicap d’autant plus frustrant que les rares instants où les nuages se dissipent me laissent deviner un paysage grandiose. Lors d’un de ces intermèdes, une falaise abrupte plongeant dans la mer apparaît soudainement devant moi. C’est la paroi ouest de la Grande Candelle, sur laquelle luttent deux escaladeurs surpris par la pluie ; l’un d’entre eux semble en grande difficulté.
Deux escaladeurs en plein calvaire ; le premier attend l’autre, bloqué trente mètres plus bas
Lorsque enfin le brouillard se désépaissit, je suis en train de longer les impressionnantes falaises du Devenson. Exalté par le retour timide du soleil, je profite longuement de l’enchaînement des panoramas sur la côte escarpée.
Sur les falaises du Devenson
Les falaises de la calanque de Denvenson, dressées 250 mètres au-dessus de la mer
Vue en arrière sur les pentes de la Grande Candelle et la calanque de Morgiou
La bordure ouest de la calanque de Devenson ; en bas à gauche, l’îlot du Dromadaire
Vue vers Castel Vieil, pointe méridionale des Calanques ; au loin, cap Canaille, l’autre pointe délimitant la baie de Cassis
Au-delà de la calanque de l’Eissadon, je plonge entre deux falaises vers le carrefour du Portalet. Y démarre le vallon d’en Vau, un canyon étroit que j’emprunte quelques temps avant d’accomplir le dernier effort intense de ma journée, le long d’un raidillon me hissant sur le plateau de Cadeiron. S’y trouve le refuge du Piolet, mon logis du soir, qui domine de sa toiture intacte la calanque d’en Vau.
Vers le refuge du Piolet
L’endroit où je bifurque dans les terres, à hauteur de la calanque de l’Oule
Le vallon d’en Vau
La calanque d’en Vau ; en face, le plateau de Castel Vieil
Le refuge du Piolet
Je retournerai de nuit au refuge du Piolet ; pour l’instant, j’entreprends un aller-retour vers Cassis, quatre kilomètres à l’est, où je dégote un bar diffusant le match de Ligue des champions. J’attends la rencontre en observant Jean Tigana jouer à la belote avec son groupe d’amis, savoure la victoire historique du Real et retourne sur mes pas au cœur de la nuit, vers un parc naturel où il est interdit de pénétrer après le coucher du soleil.
Arrivé dans la calanque de Port Miou, je progresse le long du port de plaisance, sur une piste rectiligne d’un demi-kilomètre. A son extrémité, à l’endroit même où démarre le parc national des Calanques, une lumière assez inquiétante se dégage d’un petit bâtiment municipal. Dans le doute, je progresse à pas de loup, ne sachant pas si je risque ou non quelque chose, quand soudain l’aboiement lointain d’un chien brise le silence qui m’enveloppait. Légèrement stressé, je préfère quitter la piste principale pour un sentier parallèle plus discret, en bordure de falaise. Quelques minutes plus tard, au moment où je dépasse la bâtisse lumineuse par sa droite, un homme en surgit ; il balaye de sa lampe-torche la zone que je viens de dépasser. Ce doit être le gardien du parc! J’hésite à lui signaler ma présence mais préfère rester tapi dans l’ombre.
La scène m’a pétrifié. Une minute après que l’homme soit rentré dans sa demeure, je n’ai toujours pas bougé d’un millimètre. Je dois me faire violence pour me remettre en route, à pas de loup. Passée la calanque de Port-Miou, les bois m’enveloppent et la lumière de la lune ne suffit plus à éclairer ma route. N’y voyant rien et refusant d’utiliser ma lampe frontale par mesure de discrétion, j’avance à tâtons, en me basant sur les souvenirs de la marche effectuée en sens inverse quelques heures plus tôt.
Au-delà de la calanque de Port Pin, je bifurque vers l’ouest, sur un tracé inédit, histoire de m’éloigner au plus vite de la côte et de toute présence humaine. Je peux alors éclairer sans crainte mon chemin et parvenir, au terme d’un petit détour, au refuge du Piolet, où m’attend une nuit toute aussi fraîche que la précédente.
Le lendemain, un parcours alternatif passant par la forêt de la Fontasse me ramène à Cassis. La ville est d’autant plus agréable à visiter que c’est jour de marché.
Le port de pêche de Cassis
La calanque de Port-Miou, théâtre de mes aventures nocturnes
L’arrivée par la côte au port de Cassis ; à l’horizon, le Bau de la Saoupe à droite, la Couronne de Charlemagne à gauche
L’entrée du port ; en arrière-plan, la Couronne de Charlemagne
En surplomb du port, le château de Cassis
Rues du centre historique
Le marché de Cassis
Un repas chaud, une petite balade digestive et je monte dans un bus, direction Aubagne, pour la seconde partie de mon trek provençal, dans le massif du Garlaban.