Malgré sa petitesse, la ville de Venise est constituée d’un dédale de ruelles et de canaux si dense qu’il est possible d’y randonner intensément pendant des jours. J’y programme une randonnée urbaine de trois grosses journées, dans ce creux saisonnier relatif qu’est la période hivernale allant de Noël au carnaval, ce qui ne m’empêchera pas de jouir tout du long d’un grand soleil.
L’objectif est simple : sillonner en tout sens les six quartiers de la Sérénissime et les îles environnantes. Il me faudra cependant le revoir à la baisse, après que ma mère, grande admiratrice de la peinture maniériste vénitienne mais marcheuse peu aguerrie, se soit jointe au voyage. Au final, notre duo se sera tranquillement baladé du matin au soir, en se restreignant au programme classique des touristes passant trois jours dans la Cité des Doges : exploration partielle des 6 quartiers et du Grand Canal, visite de la Galerie dell’Accadamia, du palais des Doges, de la basilique Saint-Marc et d’une demi-douzaine d’autres édifices religieux, enfin de l’île voisine de Burano.
Nos quatre jours de marche dans les quartiers de Venise, le premier en jaune, le second en rouge, le troisième en vert, le dernier en bleu
Un second récit évoquera nos balades au cœur des quartiers vénitiens. Celui-ci se concentre sur le Grand Canal, l’extraordinaire canal en S inversé qui forme l’axe central de la ville et qu’on peut légitimement considérer comme la plus belle voie du monde. Nous en avons chaque jour longé les berges, traversé le cours et admiré les innombrables palais sous tous les angles.
C’est à partir de la gare ferroviaire, au niveau du pont des Déchaussés, que le Grand Canal prend une allure féerique, cerné qu’il est de façades élégantes émergeant directement des eaux. Lancé vers le nord-est, il se courbe lentement vers l’est puis le sud-est, avant de bifurquer plus soudainement vers le sud-ouest, dans un virage marqué s’opérant au niveau du pont central du Rialto, le plus ancien de la ville.
Du pont des Déchaussés à celui du Rialto
A droite de l’église Santa Maria di Nazareth, on devine le pont des Déchaussés
Du pont, vue sur le Grand Canal filant vers le pont du Rialto
Sur ce tronçon, de nombreux palais, notamment la Ca’ Pesaro…
…où l’un des palais les plus renommés, la Ca’ d’Oro
Le virage vers le sud-ouest
Le pont du Rialto
Après s’être glissé sous le pont du Rialto, le Grand Canal s’infiltre au cœur de Venise, entre les quartiers centraux de San Marco et San Polo, avant d’exécuter une boucle progressive vers l’est, qui s’achève peu après le pont de l’Académie.
Entre les ponts du Rialto et de l’Académie
La suite du Grand Canal vue du pont du Rialto
Sur la rive droite, des terrasses de restaurants…
…des hôtels de luxe…
…et des édifices notables, tel le palais Querini Dubois
Au bout du canal, au début de la boucle vers l’est, le fameux palais du Ca’ Foscari
Vue en arrière des abords du Ca’ Foscari
Le Ca’ Foscari
Au terme de la boucle, la façade ocre du palais Civran Badoer Barozzi…
…et sur l’autre rive, le palais Rocca Contarini Corfù
Passé le pont de l’Académie, le Grand Canal poursuit sa course vers l’est en s’élargissant progressivement jusqu’à se fondre dans le bassin Saint-Marc.
Vers le bassin Saint-Marc
Jouxtant le pont de l’Académie, le palais Cavalli-Franchetti…
…et face à lui, le Palazzo Barbarigo
Plus loin sur la même berge, le palais Giustinian
Au loin, le dôme de la basilique de Santa Maria della Salute, au niveau de laquelle le Grand Canal atteint le bassin Saint-Marc
Ladite basilique, bâtie sur la pointe de Dorsoduro, limite occidentale du bassin Saint-Marc…
…ses autres délimitations étant l’île voisine de San Giorgio Maggiore…
…enfin les berges du quartier San Marco, d’où l’on accède à la place Saint-Marc…
…et qui se prolongent jusqu’au quartier de Castello
Le bassin Saint-Marc était autrefois le plan d’eau par lequel arrivaient à Venise les navires étrangers. Ceux qui se destinaient au commerce s’engouffraient dans le Grand Canal, à destination des marchés du Rialto ; ceux dont la démarche était politique accostaient immédiatement sur la piazzetta San Marco, prolongement perpendiculaire de la place Saint-Marc, calée entre le palais des Doges et la Bibliothèque marcienne et donnant directement sur la mer. Ils passaient entre les colonnes de Saint-Marc et Saint-Théodore et accédaient ainsi à la place elle-même, vaste quadrilatère qu’entourent les plus prestigieux monuments de Venise : le palais des Doges, la basilique Saint-Marc, le campanile, les Procuraties et la tour de l’horloge.
La place Saint-Marc
La berge de la place, avec les deux colonnes marquant son entrée au centre, la Marcienne à leur gauche, le palais des Doges à leur droite, les coupoles de la basilique en fond et, dominant le tout, le campanile
Du balcon de la basilique, vue sur la place et les Procuraties l’enfermant ; au fond, le musée Correr
Du côté nord, les Procuraties Vecchie…
…sont délimitées par la tour de l’horloge
Du musée Correr, vue sur la place, le campanile et la basilique
Le campanile et la Bibliothèque marcienne
Le bâtiment le plus ancestral de la place est la basilique, dont la structure centrale, plus que millénaire, prend pour modèle les édifices byzantins. C’est également le cas des extraordinaires mosaïques sur fond d’or qui couvrent l’intégralité de ses murs et plafonds intérieurs ; elles me rappellent, en plus impressionnantes encore, celles des églises du Mont Athos, dont elles sont directement inspirées.
La basilique Saint-Marc
Les coupoles de la basilique vues du campanile de Saint-Marc
La basilique vue de la piazzetta
Son sensationnel portail
Il est couronné par les quatre chevaux et le lion de Saint-Marc
La mosaïque extérieure du portail de Saint-Alipius, la seule des quatre mosaïques frontales conservée telle quelle depuis le XIIIème siècle
Entre la basilique et les rives du bassin Saint-Marc trône la façade rectangulaire du palais des Doges, dont les galeries inférieures soutiennent par des centaines de piliers les murs massifs et finement polis des étages supérieurs. A cette devanture extérieure homogène s’opposent une cour intérieure hétérogène et flamboyante et des salles institutionnelles chargées jusqu’à l’écœurement des plus grands chefs d’œuvres des peintres maniéristes vénitiens, en premier lieu Véronèse et le Tintoret, auquel on doit notamment la fresque titanesque du Paradis, exposée dans la salle non moins impressionnante du Grand Conseil. La visite du palais marquera les esthètes et plus encore ceux qui, comme moi, aiment à s’imprégner des lieux où s’est, en un moment de l’histoire, joué le sort du monde.
Le palais des Doges
Le palais vu du campanile
Sa façade extérieure…
…et intérieure…
…derrière laquelle apparaissent les coupoles de la basilique
L’escalier des géants…
…avec Mars à gauche et Neptune à droite
Les stucs de la voûte de l’escalier d’or, menant aux salles institutionnelles
Quelques unes des peintures monumentales couvrant les murs de la salle du Grand Conseil
De la façade orientale du palais surgit le fameux pont des Soupirs, par lequel on peut visiter les prisons
Les monuments qui couvrent d’un bout à l’autre le Grand Canal ne font que préfigurer la richesse architecturale de Venise ; de chacun de ses recoins, de chacun de ses canaux, palais et ponts, de chacune de ses places, ruelles et églises émane une impression mêlée de grandeur et de décrépitude, tant ce patrimoine sans égal est rongé par l’humidité. C’est ce dont j’ai pu me rendre compte en visitant un à un ses six quartiers.