Triptyque inachevé dans les Carpates roumaines (juin 2019) – 1/5 – les monts Bucegi

Je comptais traverser les monts Bucegi, premier des trois massifs du trek, par un tracé assez direct, qui devait relier la gare de Busteni au château de Bran par le mont Omu, point culminant du massif. La neige m’empêchera de mener à bien ce projet ; c’est par un itinéraire alternatif incluant une phase d’autostop que j’arriverai tant bien que mal à Bran.

En rouge, le trek dans les monts Bucegi (lien openrunner) ; en bleu, le final en voiture

Un sentiment oppressant enveloppe mes premiers kilomètres de marche ; le village de Busteni est laid, le ciel chargé, les panneaux signalant des ours intimidants, la vallée Jepilor où je m’engage particulièrement exiguë, le refuge où je compte dormir fermé à double tour. Je m’installe près de la cabane en espérant qu’aucun carnivore ne viendra rôder autour durant la nuit. C’est à un autre type d’attaque que j’aurais affaire : une pluie torrentielle, qui s’abat sur ma tente pendant plus de 4 heures, créant autour une mare de presque dix centimètres qui mettra des heures à se désengorger. Au moins aurais-je vérifié grandeur nature l’étanchéité de mon nouveau cocon, toutes mes affaires étant parfaitement sèches au petit matin.

La ravine qu’il me faut encore remonter sur presque 1000 mètres est à la fois raide, étroite et obstruée par la neige. Avec un sac chargé de victuailles, l’effort demandé pour s’en extirper est intense. A son embouchure est édifié un refuge gardé par deux chiens particulièrement hostiles. Le gardien m’explique qu’ils sont rendus nerveux par les rencontres fréquentes avec des ours, deux d’entre eux ayant surgi du même sentier que moi une heure plus tôt. Ambiance !

Une rude entrée en matière

Busteni

La vallée Jepilor, dans laquelle je vais m’infiltrer

Le sentier remonte tout du long un ruisseau tumultueux

Baptême du feu réussi pour ma nouvelle tente !

La neige fait son apparition…

…et recouvre bientôt toute la ravine

Un des nombreux passages équipés de chaînes

En amont de cette cascade…

La Cabana Caraiman

Vue rétrospective sur la vallée Jepilor…

…et les derniers arpents du sentier

Les pluies épisodiques ne me dérangent pas, les névés peu inclinés, à peine, le brouillard beaucoup plus. Il voile tous les panoramas et m’oblige à progresser à l’aveugle sur la crête des monts Bucegi. Pour seul divertissement, quelques rochers étrangement taillés par mère nature, dont le plus célèbre est le Sphynx. Les brumes ne daignent se disperser qu’au moment où j’atteins la Cabana Omu, blottie près d’une station météorologique, au sommet du massif.

Sur l’arête des monts Bucegi

Le fameux rocher du Sphynx

Le Champignon

Un autre rocher improbable du coin

Les nuages libèrent enfin la crête…

…me laissant voir la vallée Cerbului

Entre deux névés surgit la silhouette…

…de la Cabana Omu

Le même refuge pris à l’aube

Le cordon montagneux sur laquelle j’ai crapahuté

Alors que je déjeune au refuge, la pluie reprend. La tenancière juge téméraire mon plan consistant à rallier Bran par les vallées prolongeant à l’ouest le mont Scara; selon elle, elles étaient complètement enneigées quelques jours plus tôt, et il lui semble préférable de s’extirper du massif par la vallée Cerbului, par laquelle deux randonneurs présents viennent d’accéder au refuge sans grande difficulté.

Alors que je tergiverse, le temps s’améliore soudainement, dévoilant les vallées environnantes dans toute leur splendeur. A la fois pour en profiter et pour avoir le cœur net, je fonce vers le mont Scara, sur les flancs duquel quatre sentiers filent plus ou moins directement vers Bran. Le premier serpente dans une ravine qui m’aurait fait hésiter même si elle n’était pas emplie de neige ; le second est équipé de chaînes partiellement enfouies dans la poudreuse ; le troisième semble plus abordable. Je le dévale sur 350 mètres avant d’être stoppé en amont d’un passage trop risqué dans une cheminée pleine de neige. De retour au sommet du mont Scara et épuisé par les 2000 mètres de dénivelé positif que j’ai avalé depuis le réveil, je n’ai pas la force de tester la quatrième option et retourne au refuge, résigné à quitter le lendemain les monts Bucegi par la vallée Cerbului.

Tentatives avortées autour du mont Scara

Le Muntele Doamnele…

…domine une vallée enneigée…

…dont le flanc opposé…

…culmine au mont Scara…

…duquel se détachent deux autres vallées encaissées

Le raidillon hostile qui descend dans la première 

La deuxième vallée, fermée à sa gauche par une crête sur laquelle louvoie le deuxième sentier

Un peu plus loin, une troisième vallée, où je tente en vain de descendre

Le mont Scara vu au moment où je renonce

Le retour au refuge, ici caché par un nuage

En bas à droite, le village de Bran, que j’ai échoué à rallier, et à l’horizon, les pentes du second massif du trek, la chaîne de Piatra Craiului

Contraint de descendre des monts Bucegi par l’est plutôt que l’ouest puis d’en faire le tour à pied, je décolle dès l’aube et profite d’un temps magnifique pour dévaler le plus vite possible la vallée Cerbului.

La vallée Cerbului

La vallée parallèle de Morarul, dans laquelle j’hésite un temps à m’engager

Les deux cimes dominant la vallée Cerbului : à gauche, le mont Costila, et à droite, le Colțul Obârșiei…

…vu ici d’un autre angle

Les pentes escarpées de la vallée

Passé un dernier névé…

…je laisse la neige en arrière…

…ou en fonds de vallée

Place à la verdure!

Au carrefour du Poiana Vaii Cerbului, j’entame le tour des monts par des forêts de hêtres, habitat favori des ours, que je dissuade de m’approcher en sifflant régulièrement. Une douzaine de kilomètres en sous-bois, sur des sentiers puis des pistes, et je débouche sur le goudron. D’ici Bran, il me reste douze kilomètres de route, que j’entends abréger en faisant du stop. La première voiture à qui je fais signe s’arrête illico et son charmant conducteur, un ingénieur affable nommé Cojocea, non seulement m’emmène trois kilomètres plus loin, dans sa maison de vacances, mais encore se décide à me conduire jusqu’à Bran, où il ne me lâche pas sans avoir remplir mes poches des tomates de son jardin. Qu’il en soit encore remercié!

Le contournement des monts Bucegi

Un sentier forestier

Le Cantonil Coltii Morarului dispose d’une table où je déjeune

Le balisage assez bordélique des sentiers du coin

La forêt se dégarnit…

…aux abords de la Cabana Dihaù

Un dernier panorama sur les monts Bucegi…

…et je m’enfonce dans la forêt sur des pistes détruites par les coulées de boue

Cojocea discute avec un artisan dans sa maison de campagne…

…pendant que je profite des vues sur la campagne transylvanienne

Grâce à l’aide de Cojocea, j’arrive à Bran avec peu de retard sur mes prévisions. Place au deuxième gros morceau du trek, le parc national Piatra Craiului!