Plus vaste, abordable et proche de Sofia que le Pirin, le Rila est la montagne préférée des Bulgares, d’autant plus qu’elle abrite le point culminant du pays. Les trois premiers jours, le temps au beau fixe et le bon revêtement m’auront permis d’y crapahuter à un rythme inhabituellement élevé: 30 kilomètres et 2000 mètres de dénivelé positif quotidien!
Celui qui entend traverser le Rila le plus directement possible doit choisir, à mi-parcours, entre deux embranchements du cordon montagneux. L’oriental passe par le massif de Moussala, le plus élevé, l’occidental par celui de Malyovitsa, plus riche en sentiers. Ne parvenant pas à me décider, je décide de finir ma course dans le second, après un aller-retour de plusieurs de dizaines de kilomètres dans le premier, à destination du pic Musala, sommet des Balkans. Au total, plus de 100 kilomètres de pérégrinations, sur une arête si puissante et homogène que je suis constamment resté perché au-delà des 2200 mètres d’altitude.
En rouge, la longue approche du pic Musala
J’attaque le Rila par sa dorsale méridionale, le chaînon du Kapatnik.
Le Kapatnik vu du Pirin
Après une longue ascension forestière, j’avance à toute allure sur une crête si aplanie, si peu alpine qu’on peine à s’imaginer qu’elle se dresse à 2500 mètres au-dessus de la mer.
Les hauteurs du massif du Kapatnik
Seule la profondeur des vallées latérales nous rappelle que nous sommes en haute montagne.
Quelques terres basses vues du chemin de crête
Dans l’une des rares dépressions de la cordillère, les locaux ont installé un refuge modeste.
Le refuge Makedonia
Désireux d’atteindre le sommet de la Bulgarie dès le lendemain, je prolonge la marche d’une bonne heure et pose ma tente à 2500 mètres d’altitude, sur un replat du pic Angelov, sommet du Rila méridional.
A partir du pic Angelov, la crête se fait plus marquée et une série de sommets en surgissent nettement, dont le dernier est le mont Kanarata.
Premiers pics saillants du Rila
Point de jonction des chaînons du Rila, le mont Kanarata est un carrefour naturel de sentiers. Je poursuivrai plus tard vers le nord-ouest et le massif de Malyovitsa, que je devine déjà à l’horizon.
Dans l’immédiat, je repique vers l’est et une arête immense filant vers le lointain pic Musala. Il m’en coûtera un aller-retour de 40 kilomètres dont je ne veux faire l’économie, tant ma traversée des Balkans aurait un goût d’inachevé si elle n’incluait pas l’ascension de son point culminant. Malgré sa redondance, ce détour d’une longue journée aura d’ailleurs été plus qu’agréable: soleil radieux, paysages splendides, voie facile et peu inclinée qui me permet d’avancer à toute vitesse, et surtout une solitude totale, au sud d’un massif que les touristes abordent généralement depuis le nord.
Premier objectif, le refuge Granchar, distant d’une douzaine de kilomètres sans difficulté notable. J’y installerai ma couche avant d’attaquer les pentes proprement dite du Moussala.
Sur la crête principale du Rila
Un sentier splendide…
…parfois en balcon…
…d’autres fois au cœur de prairies perchées…
…que des éleveurs parcourent à cheval depuis le fond des millénaires…
…et j’atteins un col…
…donnant sur une cuvette occupée par le lac Granchar…
…où je repère le refuge homonyme
Les dortoirs sont a moitié remplis; je préfère bivouaquer à l’extérieur.
Alors que je déjeune en vitesse, dans l’idée de gravir le pic Musala dans la foulée, le gérant du refuge me le déconseille. “Vous en avez déjà beaucoup fait… L’aller retour au sommet, c’est au moins 15 bornes et 1200 mètres de dénivelé… Vous n’aurez pas le temps de revenir avant la nuit… Attendez demain ou ça va mal finir!” me prévient-il. D’un air de défi, j’affirme pouvoir revenir avant le coucher du soleil, vers 20h. Sa réaction sceptique me gonfle d’orgueil et me fait oublier la fatigue; je m’élance à marche forcée, et en dehors d’une pause goûter et de quelques minutes contemplatives au sommet, conserve un rythme tel que je suis de retour à 18h20, pour un festin de récompense avec félicitations du jury.
L’ascension du pic Musala
Un démarrage violent dans la buiscaille…
…et j’aperçois bientôt, entre deux parois, le cône sommital du Moussala
Le sentier bien tracé me ralentit peu
Passée une dernière saillie…
…et le pic Musala se dévoile pleinement
Quelques vues en arrière…
…et j’accède à un sommet coiffé d’un laboratoire…
…duquel je domine le nord du Rila
Du mont Kanarata au mont Moussala, j’aurai parcouru une ligne de crête aux flancs contrastés: à l’ouest, elle aura tout du long donné sur la vallée centrale du Rila, celle du Beli Iskar ; à droite, j’aurai vu défiler des vallons plus petits et encaissés orientés vers l’est du massif.
Panoramas sur les vallées du Rila
Au coeur du Rila, une dépression d’abord modeste…
…se creuse vers le levant…
…en une ample vallée…
…bordé à l’ouest par le massif du Skakavec…
…et donnant sur le barrage de Beli Iskar
A l’est du massif, certaines vallées sont asséchées…
…et délimitées par des parois verticales, telle celle du Mariški Čal…
…et d’autres abritent de petits plans d’eau ici le lac Bansko, avec le Pirin à l’horizon…
…là le lac Ledeno, le plus élevé du Rila…
…directement protégé par l’arête du Musala
Au réveil, je reviens au mont Kanarata et bifurque cette fois vers le nord et la plus belle partie du Rila, le massif de Malyovitsa.