Placé à mi-distance de Sarajevo et Mostar, le massif calcaire du Prenj a la préférence des rares randonneurs bosniaques; en témoignent ses nombreux sentiers et ses abris non gardés, tous impeccablement entretenus. C’est la dernière montagne bosniaque que j’explorerai, le mauvais temps me dissuadant de prolonger l’aventure dans le mont Čvrsnica.
En rouge, le final dans le massif du Prenj
Pour ardue qu’elle ait été (presque 35 kilomètres et 2000 mètres de dénivelé positif), la première journée commence en douceur, sur les pistes menant au village de Rujište.
La vallée de Rujište
Le parc de Rujište est une petite station touristique concentrant des restaurants, des refuges et quelques dizaines de chalets privés éparpillés sur les contreforts du Prenj.
Le ventre plein de goulash, je pénètre dans un massif charmant bien qu’il fasse, contrairement à ses prédécesseurs, la part belle aux conifères, et fonce vers son point culminant, le mont Zelena Glava.
A l’approche du mont Zelena Glava
La nuit tombante et la fatigue m’incitent à reporter au lendemain l’ascension du sommet; dans l’immédiat, je bifurque plein est vers un abri spacieux qui, samedi soir oblige, est déjà occupé par une dizaine de jeunes de Sarajevo.
Descente au refuge Jezerce
Le dimanche s’annonçant orageux, je m’élance dès l’aube à l’assaut du mont Zelena Grava
Du haut du massif du Prenj
Une crête calcaire dentelée…
…se dresse vers le mont Zelena Glava…
…du haut duquel j’apprécie, au sud, la vallée remontée la veille…
…au nord-est, celles qui filent vers Sarajevo…
…et au nord-ouest, coincée entre le pic Velika Kapa
…et une série de monts calcaires moins saillants…
…la haute vallée à laquelle je me destine
Une première descente de 600 mètres, facile et bien balisée, s’achève sur le plateau central du Prenj.
La sente tranquille que je dévale en une heure
C’est alors que les choses se gâtent: le plateau qui s’offre à moi n’est qu’un vaste pierrier bosselé, plein de crevasses et de buissons piquants. En dix kilomètres, je ne suivrai pas un bout de sentier digne de ce nom, et rarement la bonne trajectoire, du fait d’un balisage lâche et parfois contradictoire. Seule bonne nouvelle: la dégradation du climat est plus tardive qu’annoncée, ce qui me laisse le temps de batailler dans la végétation.
Quelques clichés du théâtre de ma lutte
Arrivé sur le rebord septentrional de la coupole du Prenj, j’attaque une descente de mille mètres, que j’espère plus praticable. Erreur! Le sentier existe bel et bien, mais dévale des pentes si verticales qu’il est très exposé, voire casse-gueule, par endroit effondré ou glissant, et dans sa partie inférieure, pris par la végétation.
Vue en contrebas durant la descente
Arrivé à Ravna, je crois en avoir terminé avec la galère.
Le village de Ravna
Les nuages enveloppent déjà, et pour plusieurs jours, le massif que je viens de quitter. Bon timing!
L’effort n’est cependant pas terminé: dans la bosse qui sépare Ravna de la ville d’arrivée, Jablanica, je m’égare bêtement et divague hors-sentier pendant une petite heure.
Je n’étais pas contre l’idée de suivre plus avant la Via Dinarica, vers le mont Čvrsnica, dernier massif d’Herzégovine, voire la frontière croate, mais le mauvais temps qui s’installe durablement dans les Alpes dinariques m’incite à m’arrêter là; et ce d’autant plus que Mostar, ville que je tiens à visiter, n’est qu’à une heure de route. Je pourrai m’y reposer deux jours, en attendant que le temps s’améliore, puis prendre un des rares bus balkaniques transfrontaliers maintenus malgré la crise sanitaire. Ledit bus rallie Dubrovnik, autre objectif urbain majeur de mon voyage. Au passage, il devrait me permettre de franchir sans encombre une frontière croate théoriquement ouverte aux citoyens de l’Union européenne, si toutefois les autorités bosniaques me laissent sortir d’un pays où je suis entré illégalement et sans test négatif au Covid. Dans les faits, les douanes bosniaques et croates me laisseront toutes les deux passer, la seconde au terme d’une fouille intégrale et d’un interrogatoire de vingt minutes.
Avec la Bosnie, c’est la clandestinité que je quitte, mais aussi, et non sans regret, la civilisation balkanique dans laquelle je suis immergé depuis l’arrivée en Bulgarie, sept semaines plus tôt. En Croatie, je retrouverai des populations anglophones, des montagnes moins sauvages, des bus modernes, des routes bien asphaltées, des villes qui tiennent debout et un coût de la vie élevé; bref, je serai de retour en Europe occidentale, pour le meilleure et pour le pire.