Le sentier Premužić est une voie montagnarde imaginée par l’ingénieur Ante Premužić et réalisée entre 1930 et 1933 grâce aux villageois des environs. Son immense avantage: sur près de 60 bornes, il permet de parcourir presque à plat la moitié septentrionale du Velebit. Tout au nord, dans la partie la plus escarpée, donc la plus problématique, c’est une magistrale voie pavée suspendue que les locaux ont façonné sur 10 kilomètres. Dommage qu’un temps détestable m’ait empêché d’apprécier tranquillement l’ouvrage.
En rouge, le sentier Premužić
Si le sentier Premužić est en fait un long faux-plat, que les locaux ont l’habitude d’arpenter du nord au sud, dans son sens descendant. Comme souvent, je me retrouve à contre-courant, démarre l’effort au village d’arrivée, Baške Oštarije, et m’attaque à une voie pavée qui perce à travers les sous-bois.
Premiers kilomètres sur le sentier Premužić
La brume persistante gâche une séquence plus ouverte.
De retour dans les bois, je fais une pause au refuge Skorpovac, un dortoir libre d’accès qui accueillerai sans problème vingt randonneurs.
Comme la veille, la couche nuageuse se relâche dans l’après-midi; le chemin en balcon en profite pour m’octroyer quelques perspectives sur la côte croate.
Panoramas sur la montagne et la mer du haut du village de Prizna
Au crépuscule, je m’écarte du sentier et me hisse, cent mètres plus haut, dans le plus rustique des abris du Velebit: la cabane Ograđenica.
Froid et humide, cette bicoque en tôle a le mérite de me prémunir d’une averse qui démarre illico, pour ne plus s’arrêter de la nuit… et de tout le lendemain! C’est sous la pluie et un brouillard voilant tout panorama que j’avalerai une douzaine de kilomètres frustrants sur une crête qui s’annonçait prometteuse.
A l’entrée du parc du Nord Velebit, je me cloître dans le refuge Alan, gardé et chauffé. J’y attendrai vainement l’arrêt de précipitations qui ne cesseront pas avant la matinée du lendemain.
Bloqué mais au chaud, j’en profite pour revoir mes plans. Mon prochain objectif, l’île de Rab, est accessible depuis le port de Stinica, situé 1400 mètres en aval, pile en contrebas du refuge Alan. Plutôt que de barouder jusqu’au bout de la chaîne, avant de revenir en bus à Stinicia, je préfère rallier le port à pied, au terme d’une boucle dans le parc du Nord Velebit à destination du mont Vučjak. Je m’y rendrai par la façade côtière, en reviendrai par le sentier Premužić, et de retour au refuge Alan, plongerai vers la côte et Stinica.
Un plan bien senti qui me permet, sur le chemin du retour, de profiter d’une après-midi d’éclaircies pour découvrir dans de bonnes conditions la section la plus célèbre du sentier Premužić, dont le premier kilomètre ne paye pas de mine.
Ce sont les dix suivants, dans des montagnes calcaires inaccessibles, qui justifient la réputation du sentier Premužić. A l’aide de puissants murs de soutènement, le chemin de pierre y a été si ingénieusement implémenté qu’il a résisté au poids des ans. En amateur éclairé des voies pavées méditerranéennes, je ne peux que saluer l’ouvrage, même s’il m’a moins impressionné que la voie austro-hongroise de Kotor, les skalas de Zagori ou les pierres sèches de Majorque. Mes passages préférés sont bien évidemment les parties en terrain ouvert, d’ailleurs les plus nombreuses.
Les plus beaux segments du sentier Premužić
A ces endroits, le chemin devient un belvédère continu sur les montagnes septentrionales du Velebit, les plus escarpées du massif, qui contrairement aux autres font la part belle aux conifères.
Quelques sommets du Nord Velebit
Presque aussi jubilatoires, quelques transitions par la forêt.
Segments en sous-bois du sentier Premužić
A la sortie d’un de ces bosquets, je tombe sur la cabane Rossi, le plus beau refuge du Velebit par sa situation, même si la colonie de loirs hyperactifs qui y a élu domicile pourrait troubler les randonneurs au sommeil léger.
La cabane Rossi
Au réveil, je constate une situation qui devient redondante à l’approche du mois de novembre: température glaciale, brouillard et pluie.
Il est grand temps de quitter les montagnes où je lutte depuis cinq mois et de me rabattre sur un terrain de jeu plus conciliant.