Le projet réalisé “Mille bornes dans le Massif central”

Le concept

Des trois projets de trek majeurs que j’entends concrétiser en trois ans, “Mille bornes dans le Massif central” est à la fois le premier à avoir pris forme dans mon esprit et le premier que je réaliserai, durant le printemps 2018.

L’idée remonte à 2014, année durant laquelle je rêvasse régulièrement à l’idée de traverser la France en solitaire. Dès l’hiver 2015, spéculant sur un hypothétique congé sabbatique de six mois, je conçois un vague tracé partant de Cahors, zigzaguant dans le Massif central, traversant la vallée du Rhône pour pénétrer dans les Alpes et remontant, d’un massif pré-alpin à l’autre, vers le Jura puis les Vosges pour terminer sa course à Strasbourg. En 2016, je prends la décision de consacrer ledit congé sabbatique, et les économies que j’accumule en prévision, à un voyage élargi à toute l’Europe (voir ici). Aussi me faut-il réviser mon projet français. Plutôt que de l’abandonner, je le restreins à la zone qui m’a le plus marqué lors de mon travail de reconnaissance cartographique, le Massif central, afin de le rendre réalisable en une durée plus courte, donc moins coûteuse, d’un mois environ.

Le Massif central fascine également mon frère Ivonig, en ce qu’il combine noms évocateurs, moyenne montagne, paysages variés, châteaux médiévaux, hameaux perchés. En 2015, alors que je lui évoque mon projet d’y entreprendre une randonnée solitaire au long cours, je stimule d’autant plus son intérêt qu’il commence à se lasser de la Bretagne et désire étendre ses pérégrinations non-grecques à toute la France. Au fil de nos discussions, je le convainc de se joindre à moi, en échange de l’assurance que nous ne partirons pas plus d’un mois.

Notre projet ne prend forme qu’à l’été  2016, au retour de notre second trek de trois semaines dans les Cyclades (voir ici). La faible durée de ce périple ne suffit plus à satisfaire mon frère. Désireux de franchir un palier, de s’investir dans une marche plus ambitieuse, il accepte définitivement de s’élancer à mes côtés à l’assaut du Massif central. C’est finalement 45 jours qu’il s’engage et parvient à libérer, du 15 mai au 30 juin 2018. Nous voilà lancé dans ce que nous pensions alors être l’apogée de nos marches communes, et qui ne sera finalement que le premier volet, en moyenne montagne, d’un projet français en comptant un second, celui-ci tourné vers la haute montagne (voir ici). 

Je n’ai plus qu’à structurer un tracé devant combiner divers paramètres:

-être continu;

-être réalisable en un mois et demi;

-permettre de découvrir l’essentiel des noms emblématiques du massif;

-joindre ses plus hauts sommets;

-varier les biotopes;

-éviter les grosses agglomérations mais traverser un maximum de villages, hameaux, chapelles et châteaux préservés;

-privilégier les sentiers aux routes et chemins carrossables.

J’ai maturé le projet pendant des mois avant d’élaborer le tracé final que voici:

(liens openrunner 1, 2 et 3)

Le parcours en général

Ses caractéristiques principales :

-il fait presque 1000 kilomètres continus sur openrunner, soit probablement plus en vrai, et comprend trois parties distinctes, l’Ardèche (400km), la Lozère (300km) et les volcans d’Auvergne (presque 300km);

-il est montagneux sans être trop exigeant, avec à peine 30 000 mètres de dénivelé positif, ce qui nous permet d’envisager, sur les 45 jours dont nous disposons, voyage aller-retour compris, une moyenne journalière tout à fait raisonnable de 22 km pour un peu plus de 650 mètres de dénivelé positif;

-il démarre et s’achève dans deux agglomérations emblématiques, le Puy-en-Velay et Clermont-Ferrand, et traverse tous les lieux légendaires qui ont nourri nos discussions : Ardèche, Cévennes, Lozère, Causse Méjan, Aubrac, Cantal, Monts-Dore, Puy-de-Dôme, Auvergne, gorges du Tarn et de l’Ardèche, rives et source de la Loire;

– il joint les 10 plus hauts sommets du massif, parmi lesquels le puy de Sancy (sommet des monts Dore et du Massif central), le plomb du Cantal (sommet du Cantal), le mont Mézenc (sommet de l’Ardèche) et le pic de Finiels (sommet de la Lozère), et quelques autres emblématiques, tels que le signal de Mailhebeau (sommet du plateau de l’Aubrac), le puy de Dôme (point culminant de la chaîne des Puys) et le mont Gerbier de Jonc où la Loire prend sa source;

-il alterne des paysages très variés : montagnes, collines, plaines, forêts, déserts, gorges, bords de lacs et rivières;

-il traverse un maximum de beaux villages, en Ardèche surtout (entre autres Antraigues-sur-Volane, Jaujac, Thines, Chassiers, Largentières, Labeaume, St-Montan), mais aussi dans le Velay (Arlempdes), les Cévennes (Genolhac), les abords des gorges du Tarn (Mostuejouls, Liaucous, Peyreleau), l’Aubrac (St-Chély-d’Aubrac) ou le Cantal (Cheylade, Apchon);

-dès que possible, j’ai évité les routes et chemins carrossables, quitte à opter pour nombre de sentiers apparemment non balisés et de hors-sentiers qui tourneront peut-être au vinaigre mais offriront un peu plus de challenge.

J’ai préféré marcher du Puy-en-Velay vers Clermont-Ferrand plutôt que l’inverse. Mieux vaut joindre le plus rapidement possible l’Ardèche méridionale, les températures montant vite en juin, traverser les gorges de l’Ardèche dès fin mai, pour éviter l’affluence touristique, atteindre le plus tard possible le plateau de l’Aubrac, où l’hiver dure parfois longtemps, et n’arriver dans la chaîne des Puys que fin juin, période où les pluies sont moins abondantes qu’en mai.

J’ai réduit au maximum les phases de transition moins intéressantes, qui persistent toutefois, notamment dans le Velay (d’Arlempdes à l’entrée en Ardèche) et dans le Pays de Saint-Flour (entre l’Aubrac et le Cantal). Cette deuxième transition est si longue que j’ai abdiqué l’idée d’accroître son intérêt en faisant des détours par les villages notables du coin, Murat par exemple. J’ai préféré le tracé le plus direct, le plus immédiatement dirigé vers les volcans du Cantal. Si nous prenons du retard sur les deux premières parties du tracé, nous tenterons de zapper cette section en faisant de l’auto-stop. Si, à l’inverse, nous arrivons trop tôt à Clermont-Ferrand, nous marcherons jusqu’à Vichy et au-delà.

Contrairement à notre précédent grand voyage, où nous avons dormi à la belle étoile pendant trois semaines, nous ne nous imposons aucune forme de contrainte particulière. Vu nos limites budgétaires, nous éviterons, sauf exception, les hôtels et refuges gardés, mais nous ne nous refusons pas quelques nuits (et même quelques après-midi de repos) en camping. L’essentiel de nos bivouacs devrait tout de même se dérouler en tente ou, dès que possible, dans des refuges et cabanes non gardées.

Une fois sortis de l’Ardèche, nous ne traverserons quasiment aucune ville, même petite, avant notre arrivée à Clermont-Ferrand, ce qui rend compliqué le réapprovisionnement de nos vivres. C’est pourquoi nous comptons envoyer quatre colis dans des campings, refuges ou commerces situés aux alentours des kilomètres 200, 400, 600 et 800 de notre marche. Nous y placerons des réserves de nourriture (semoule, riz, soupes lyophilisées, fruits secs, barres chocolatées), les cartes photocopiées des deux cents bornes à venir, quelques médocs et un petit cadeau pour ceux qui auront conservé tout cela dans l’attente de notre passage.

Bien que nos idées soient arrêtées et l’essentiel du parcours fixé, nous sommes intéressés par les suggestions des connaisseurs sur deux aspects :

-d’éventuelles variantes légères du tracé, notamment à la sortie des monts du Cantal, et plus encore dans la section traversant le plateau ardéchois, de Loubaresse à Thines et au-delà, zone où les chemins fourmillent et où nous n’avons pas nécessairement pris les plus beaux ;

-des idées de lieux de bivouacs bordant notre tracé ou imposant un faible détour, que ce soit de beaux coins où planter la tente, des grottes spacieuses ou plus encore des refuges non gardés.

Ceci dit, penchons nous en détails sur les choix effectués dans chacune des trois parties du parcours.

L’Ardèche

(lien openrunner)

Le départ des Mille bornes est un des éléments les moins satisfaisants de mon tracé. Il faut en effet avaler 70 kilomètres avant de pénétrer véritablement dans les monts ardéchois. Il me fallait entamer l’Ardèche par le mont Mezenc, pour m’enfoncer ensuite vers le sud et rejoindre la Lozère, mais j’aurais pu choisir de partir plutôt du nord-est, depuis Le Cheylard par exemple. J’ai préféré démarrer au Puy-en-Velay par commodité, mais surtout pour ce que cette ville représente pour tout randonneur, étant à la fois le point de départ du chemin de Stevenson et de la variante française la plus célèbre des chemins de Compostelle. C’est à l’image de ceux qui empruntent ces sentiers mythiques que nous entamerons notre pèlerinage là-bas. La traversée du Velay sera une sorte de mise en jambe avant l’ascension des monts, qui formeront les premiers jours notre point de mire à l’horizon.

Depuis le Puy-en-Velay, j’aurais pu aller tout droit vers le mont Mézenc. J’ai préféré toutefois faire un détour, par des variantes de la GR3, vers l’un des plus beaux villages du coin, Arlempdes. Après la visite du bourg et de son château, nous traverserons la Loire par un gué et longerons ce qui n’est encore qu’une rivière jusqu’à Goudet, village depuis lequel nous repiquerons progressivement vers l’est, afin d’atteindre le mont Mézenc par Monastier-sur-Gazelles.

Au-delà du mont Mézenc, il faut avoir dépassé le Gerbier de Jonc pour quitter durablement les sections de routes goudronnées ou carrossables ; c’est sur de petits sentiers qu’on traversera alors l’Ardèche verte, la plongée dans la nature étant agrémentée de quelques passages dans de belles bourgades, notamment Antraigues-sur-Volane. Une section assez excitante qui s’achève devant la vieille ville d’Aubagne.

A l’époque où mon frère ne comptait partir qu’un gros mois, je pensais joindre Aubagne et Joyeuse en ligne droite, par Chassiers et Argentière. C’était avec regret que je laissais de côté tout le plateau ardéchois, qui me semblait pourtant constituer, dans cette région, le clou du spectacle. Fort heureusement, Ivonig étendit sa plage de disponibilité, me permettant, dans un premier temps, de tracer un détour par Jaujac et le mont Aigu, et d’y adjoindre bientôt un second, bien plus ambitieux, par Loubaresse, Thines, Saint-Jean-de-Pourcharesse et le pont du Gua. Je considère cet ajout d’environ 80 kilomètres comme la section la plus prometteuse des Mille bornes, même si j’ai quelques doutes quand aux choix effectués aux alentours de Thines, les variantes étant si nombreuses qu’il est difficile de décider lesquelles choisir. Dans tous les cas, une telle extension du tracé nous permettra de découvrir une montagne grandement préservée, si l’on en croit nos cartes, des ravages urbains habituels.

Passé Saint-Jean-de-Pourcharesse, nous repiquerons vers les immanquables villages de Chassiers et Argentière, puis descendrons à Joyeuse, ou démarre un deuxième vaste détour sur notre route vers les Vans. Il a pour but la découverte de l’Ardèche méridionale, avec comme premier objectif ses fameuses gorges. A l’aller, nous passerons à travers de très prometteurs villages, Labeaume, Ruoms et l’incontournable Saint-Montan. De celui-ci, nous descendrons vers les gorges de l’Ardèche, atteintes au niveau de Saint-Marcel, puis les remontrons jusqu’à Vallon-Pont-d’Arc, tantôt en bord de rive, tantôt dans les hauteurs. Nous emprunterons ensuite des variantes du GR4, déjà croisé dans le Verdon. Sur la fin de notre boucle, nous passerons notamment par Casteljau, les gorges du Chassezac et le bois de Païolive, avant d’atteindre les Vans, porte des Cévennes, qui conclut notre périple ardéchois.

La Lozère

(lien openrunner)

Initialement, je souhaitais descendre très au sud dans les Cévennes depuis les Vans, afin de remonter vers le mont Lozère par le chemin de Stevenson et ses variantes. En étudiant de près la carte et les récits d’autres randonneurs, souvent mitigés sur la section finale du GR70, j’ai jugé que ce détour coûteux en temps ne valait pas le coup et préféré filer droit vers le pic de Finiels. Jusqu’à Aujac et Genolhac, les chemins semblent magnifiques, les paysages luxuriants. Passés le second village, on quitte définitivement l’Ardèche, la végétation se raréfie, et c’est à travers une région désertique et au terme d’une longue et tranquille ascension qu’on atteint le sommet du mont Lozère.

Si nous avions suivi mon idée initiale, c’est du sud vers le nord que nous aurions découvert la fameuse partie du chemin de Stevenson reliant le pic de Finiels au Pont de Montvert. C’est l’inverse qui se produit lorsqu’on joint le sommet depuis Genolhac : nous atteignons par des chemins moins connus le GR70, qu’on emprunte seulement alors, pour descendre vers Florac le long de sa plus célèbre section cévenole.

Dès Florac, nous quitterons le chemin de Stevenson pour la GRP faisant le tour du Causse Méjan. La découverte du plateau karstique s’étendra sur 50 kilomètres, aux termes desquels nous déboucherons au sud des gorges du Tarn. Un petit détour nous permettra de visiter les jolis villages du coin, Peyreleau, le Rozier, Liaucous, Mostuejouls, puis nous pénétrerons dans les gorges proprement dites. Nous en longerons le versant est avec quelques détours pour l’apprécier de divers points de vue, parfois à mi-hauteur, parfois en surplomb, parfois au bord du Tarn, et ce jusqu’aux Vignes, village où nous franchirons la rivière et gravirons les gorges jusqu’à leur sommet afin de profiter du panorama au Point Sublime.

Démarre alors une phase de transition des Cévennes vers le plateau de l’Aubrac, par des sentiers parfois non balisés, voire, au-delà de Canourgue, quelques paris hors-sentiers. L’objectif consiste à joindre le plus directement possible, tout en évitant au maximum les routes, le signal de Mailhebeau. Pour atteindre ce sommet de l’Aubrac, il faut presque 50 kilomètres de marche depuis le Point Sublime.

Si j’en crois mes lectures, le sentier le plus marquant de l’Aubrac est la section du chemin de Compostelle joignant Nasbinals et le village typique de Saint-Chély-d’Aubrac. Les pèlerins l’empruntent traditionnellement du nord-est au sud-ouest ; nous ferons l’inverse, en déboulant à Saint-Chély-d’Aubrac depuis le signal de Mailhebeau par le GR6 et en remontant jusqu’à Nasbinals par le GR65. Arrivés au village, nous ferons, si nous avons le temps, un détour par la cascade du Déroc ; sinon, nous entamerons directement la transition de 80 kilomètres vers les monts du Cantal. Après vingt bons kilomètres, nous arrivons à Saint-Juéry, à la frontière de la Lozère, où s’achève notre seconde partie.

Les volcans d’Auvergne

(lien openrunner)

Notre découverte des volcans d’Auvergne démarrera par une longue transition, de Saint-Juéry jusqu’au barrage de Grandval d’abord, puis à travers le pays de Saint-Flour, le long de tracés de GRP ayant Neuvéglise, Cussac et Paulhac comme seules haltes. Nous aurons presque 60 bornes dans les pattes depuis notre sortie de Lozère lorsque nous arriverons à Prat de Bouc, au pied des monts du Cantal. A la base, la transition était plus longue encore et devait opérer un détour par Murat, mais je n’ai pas jugé la ville assez attrayante pour mériter tant d’efforts. J’ai préféré que l’on consacre plus de temps à la découverte du massif cantalien.

Et en effet, nous ne nous contenterons pas de suivre le GR4, du Prat de Bouc au pas de Peyrol, en passant par le plomb du Cantal. Arrivés au puy Mary, nous continuerons à l’ouest par les crêtes, avec d’autres sommets en vue, la Roche taillade, le Roc des Ombres et le puy Violent, passé lequel nous reviendrons par Le Falgoux vers la vallée de la Petite Rhue.

Plutôt que de retourner directement sur le GR4, nous souhaitons alors progresser dans les vallons, de village en village, ceux de Le Claux, de Cheylade et d’Apchon nous semblant valoir le détour. Ce n’est qu’après avoir visité ce dernier que nous repiquerons plein est pour rejoindre le GR4, et le suivre, à travers Condat et Egliseneuve-d’Entraigues, jusqu’aux monts Dore, que nous n’aurons pas atteint sans un détour par le lac Pavin.

Passé le puy de Sancy, en suivant toujours approximativement le tracé du GR4, nous remonterons à travers la chaîne des Puys, avec le puy de Dôme pour objectif. Si le temps presse, nous obliquerons alors vers Clermont-Ferrand, mais nous espérons avoir le temps d’opérer une boucle finale d’une cinquantaine de kilomètres par Volvic, afin de ne laisser de côté aucun des puys se succédant jusqu’à la commune.

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