A l’été 2010, au retour de mon deuxième voyage cycladique (voir ici), je me languis de devoir attendre un an avant de reprendre la marche. Un mois après mon retour, n’y tenant plus, je me lance sur les chemins bretons, d’abord à la journée avec Taleb, puis sur deux jours avec Sacha, et enfin, à partir de 2011, avec mon frère Ivonig.
Notre duo se lançait dans une exploration de la Bretagne qui allait progressivement s’intensifier: une petite dizaine de jours de marche en commun en 2011, une douzaine en 2012, une vingtaine en 2013, un peu plus en 2014, une petite quarantaine en 2015, une grosse quarantaine en 2016. De 2010 à 2014, je ne jugeais pas utile de prendre de photos dans une région qui nous était familière ; je vais donc très brièvement évoquer cette période.
Le principe de nos excursions bretonnes est toujours resté le même. Ivonig et moi nous élançons en milieu de semaine, nos jours de travail s’accordant pour nous donner deux fois par mois deux jours de pause en commun. Soit nous marchons à la journée, dans la région rennaise, soit nous nous enfonçons à l’intérieur du pays, pour une randonnée de deux ou trois jours oscillant entre 35 et 70 kilomètres ; le deuxième jour est systématiquement le plus intensif. A de rares occasions, nous avons réalisé des marches plus ambitieuses, sur quatre voire cinq jours, à Belle-Ile-en-Mer ou dans le lointain Finistère.
En 2011 et 2012, nous campions, mais notre sac D4 ultralight de base, dont la température limite est de 11 degrés, remplit moins bien son office en Bretagne que dans les Cyclades. En 2012, lors d’une nuit glaciale près de Redon, des températures négatives montrent définitivement la nullité de notre système de couchage en période hivernale. C’est pourquoi nous privilégions, de 2012 à 2014, les nuits en gîte en dehors de l’été. Il nous aura fallu attendre l’été 2015 pour camper de nouveau intensément ; l’automne suivant, désirant maintenir ce type de bivouac malgré le retour du froid, nous nous décidons enfin à nous procurer un équipement digne de ce nom pour pouvoir camper dans des conditions correctes, même en plein hiver.
En 2011, après un premier test sur les rives de la Vilaine, nos premiers véritables terrains de jeu ont été la forêt de Brocéliande et la région de Pontivy, où vivait notre dernier aïeul, que nous pouvions ainsi visiter au passage.
Carte chronologique de nos randonnées de 2011
En 2012, nous étendons nos marches à la côte sud, entre Pont-Aven et Concarneau, puis à la côte nord, dans la région de Dinard ; ainsi démarre le tour de la Bretagne par le sentier des douaniers, que nous avons progressivement réalisé, tout en continuant à explorer l’intérieur des terres.
Carte chronologique de nos randonnées de 2012
En 2013, notre effort s’intensifie et s’axe essentiellement dans le bassin rennais, que nous visitons intensivement, souvent à la journée. Lors d’une de nos seules incartades, nous marchons trois jours sur les côtes de Belle-Ile-en-Mer. J’aime tant ce coin, à mes yeux le plus représentatif de ce qu’est la Bretagne, que j’en referai quatre fois le tour, avec et sans mon frère.
Carte chronologique de nos randonnées de 2013
C’est en 2013 également que mon frère me suggère de tracer nos marches sur une grande carte de la région. Je me procure la plus large qui existe, la photocopie en noir et blanc sur du papier cartonnée chez des imprimeurs professionnels et y trace schématiquement au feutre rouge les parcours accomplis. Alors que nous la contemplons ensemble, Ivonig et moi tombons d’accord pour relier à terme tous nos tracés en accomplissant un vaste tour de la Bretagne des terres et des mers. Jusqu’à sa réalisation à l’automne 2016, cet objectif a trotté dans notre tête en permanence ; il explique entre autres que plus jamais n’avons élaboré un parcours ne joignant pas, à son départ, son arrivée ou durant son cours, un autre préalablement accompli, quitte à faire dix bornes sur le goudron.
Si 2014 s’inscrit dans la continuité de 2013, avec de nombreuses marches à la journée dans le bassin rennais, nous entamons l’année par notre première marche de quatre jours, un tour complet de Belle-Ile-en-Mer, et l’achevons par une autre randonnée de quatre jours, l’une de nos plus inoubliables en Bretagne : la traversée automnale des monts d’Arrée, de Morlaix à Brest, sur une distance de 120 bornes.
Carte chronologique de nos randonnées de 2014
Nos deux premières nuits au cœur des monts d’Arrée, passées au coin du feu dans des refuges déserts, restent d’excellents souvenirs, tout comme, la troisième matinée, durant laquelle nous avons longé la rivière encaissée de Saint-Rivoal sous une pluie battante rendant les couleurs d’automne du vallon quasiment mystiques. Cette matinée fut pourtant une belle galère physique, ses cinq premières heures s’étant déroulées sous un véritable déluge.
Tracé de notre randonnée reliant Morlaix à Brest par les monts d’Arrée (lien openrunner)
Cette épreuve est la dernière d’une longue liste durant nos quatre premières années de marche : nuits trop fraîches que j’ai déjà évoqué ; marches de quarante kilomètres que nous terminons à l’agonie, le souvenir du final du parcours Redon-Guipry restant de tous le plus douloureux ; innombrables mauvais choix d’orientation entraînant d’éreintantes progressions hors-sentier, notamment durant les années 2012-2013, période sombre au terme de laquelle je doutais plus que jamais de mes talents d’aiguillage. C’est au travers de ces expériences parfois négatives que nous avons entraîné notre résistance physique et mentale et sommes devenus des marcheurs expérimentés.
Parallèlement à mes marches avec Ivonig, j’en entreprends régulièrement à la journée avec d’autres amis. Taleb est mon compagnon le plus habituel ; c’est avec lui et quelques autres que j’ai réalisé mon troisième tour de Belle-Ile-en-Mer. En 2013 cependant, cela ne me contente plus, et ne trouvant pas de volontaires pour m’accompagner, je me met à marcher seul, sur quatre ou cinq heures, dans le bassin rennais. Fin 2014, je l’ai sillonné en tout sens, au fil d’une quarantaine de journées de marche durant lesquelles j’adopte le rythme le plus intensif possible. C’est à cette période que j’ai le plus développé mes capacités de résistance à l’effort. En 2015, je continue ces marches solitaires locales à la journée, mais à l’automne, elles ne suffisent plus à me satisfaire ; c’est à ce moment, lors d’un séjour en Normandie (voir ici), que je me décide enfin à randonner seul sur plusieurs jours, avec bivouac individuel, franchissant un palier décisif qui m’ouvre de nouvelles perspectives.