N’ayant aucun témoignage photographique de mon quatrième périple à la marche dans les Cyclades, je l’évoquerai plus brièvement que les précédents.
C’est avec mon ami Sacha que je débarque à Parikia au début du mois de septembre ; mon frère doit nous rejoindre une semaine plus tard. En l’attendant, j’emmène mon hôte sur les tracés bien connus des montagnes de Paros. Nous en faisons le tour en trois journées de marche, auxquels j’en ajoute une quatrième à Antiparos.
Dès qu’Ivonig nous rejoint, notre trio part pour Naxos, que nous souhaitons faire découvrir à Sacha. Jusqu’au sommet du mont Zeus, nous copions exactement le tracé suivi deux ans plus tôt (décrit ici), cette fois sans erreur d’orientation, et au soir du premier jour, nous faisons halte dans la même auberge de Filoti . Le lendemain par contre, plutôt que de descendre du sommet jusqu’à Filoti, nous obliquons au niveau de la chapelle d’Agia Marina vers le monastère fortifié de Fotodotis, franchissons le col, poursuivons jusqu’au village fameux d’Apiranthos, y restons la nuit, gravissons le mont Fanari, dépassons Moni et joignons Chalki par un sentier qui passe au bord d’une des plus vieilles églises des Cyclades, dont les murs sont recouverts de fresques ancestrales, la Panagia Drosiani. Avec le recul, le tracé que nous avons emprunté nous semble toujours impeccable ; on peut difficilement faire mieux en trois jours de marche dans les Cyclades, même s’il est tout aussi recommandable de démarrer le trek à Melanes, afin de joindre Pano Potamia, non pas par la vallée, mais plutôt par le monopati démarrant au Kouroi (j’évoque ici cette alternative, empruntée quatre ans plus tard).
Une courte pause à Paros et notre trio part à Syros, d’où Sacha doit embarquer directement pour Athènes. Avant son départ, nous avons une journée entière pour profiter des montagnes du nord de l’île. La randonnée que nous y effectuons n’a rien d’exceptionnelle, mais nous nous en souviendrons longtemps, pour avoir pris un bain si parfait dans une crique perdue qu’il dura plus de trois heures et nous contraignit à grimper au pas de course les collines de l’île pour revenir avant la tombée du jour au port d’Ermoupoli.
Après avoir quitté Sacha, Ivonig et moi retournons à Paros, d’où nous embarquons pour la petite île de Sikinos. Nous y attend la pire expérience de notre vie de randonneur. En elle-même, la boucle d’un jour et demi que nous avons réalisé sur cette île est superbe ; tout y était agréable, du charmant port d’arrivée au Kastro niché dans les hauteurs, du monastère d’Episkopi, bâtisse chrétienne construite sur les ruines d’un temple antique, aux monopatis préservés où ne nous sommes perdus qu’à une reprise. Seulement, partis énervés du Kastro après avoir mangé quelques morceaux d’une pizza avariée, nous avons oublié de remplir nos bouteilles d’eau. Deuxième erreur, ne pas être revenus sur nos pas quand nous nous en sommes rendus compte.
Le soleil était brûlant, et même avec des bouteilles pleines au départ du Kastro, nous aurions été justes en eau ; en ne les ayant même pas rechargées, nous nous sommes infligés une véritable torture. Malgré un rationnement drastique, nous étions à sec lorsque fut dressé notre bivouac, le dernier où nous utilisâmes une tente. Dès le soir, la soif devenait intenable, et totalement déshydratés dans la chaleur de notre toile, nous étions incapables de trouver le sommeil. Mon frère souffrait, moi plus encore ; je délirais même, rêvant de sources d’eau dès que je commençais à m’assoupir, ce qui me réveillait brusquement et ajoutait à mon désarroi.
Au cœur de la nuit, n’y tenant plus, nous décidons ensemble de lever le camp et de conclure au plus vite notre boucle. Arrivés au lever du jour à Alopronia, nous ne trouvons pas de source, et tous les commerces sont fermés ; il nous faut pénétrer illégalement dans l’appartement où nous avons dormi la veille pour y boire une eau douteuse qui, à notre grand désarroi, ne calme pas notre soif ; les effets de la déshydratation ne se dissiperont que le surlendemain. Depuis lors, nous prenons grand soin de ne jamais manquer d’eau, quitte à alourdir inutilement notre sac.
Un dernier passage à Paros et nous embarquons pour notre destination finale, l’île de Serifos et sa belle Chora perchée. Nous l’avons tout autant aimé que Sikinos ; cependant, comme sur cette dernière, nous y avons vécu une grosse galère, certes plus conventionnelle : les plus longs passages hors-sentiers non-planifiés de notre vie. Que ce soit le premier jour, consacré à l’ouest de l’île, ou le second au nord, à destination du monastère de Taxiarchoon, jamais nous ne nous sommes aussi systématiquement égarés. Le piètre état des monopatis et du balisage de Serifos, depuis amélioré, l’explique en partie ; mais il faut également incriminer les imprécisions du guide de Dieter Graf. Nous n’avons plus jamais utilisé ses bouquins depuis, leur préférant systématiquement les indications textuelles rigoureuses, exhaustives et, pour couronner le tout, gratuites, du site cycladen.be, géré par le formidable Raymond Verdoolaege, que nous saluons ici avec gratitude !
Malgré nos revers divers, le voyage nous a comblé, y compris Sacha. Aussi est-ce à trois que nous sommes revenus, un an et demi plus tard, afin d’explorer ensemble d’autres îles (voir ici).