L’arrivée à Sifnos marque le passage d’une phase frénétique, durant laquelle nous avons visité quatre îles en six jours, à une phase plus relâchée qui nous verra consacrer deux fois plus de temps à en explorer trois seulement. Il faut dire que ces trois îles offrent un terrain de jeu d’une densité jusque-là inédite, étant plus vastes que Kimolos ou Folegandros et bien moins bétonnées que Santorin et Milos.
Pour ouvrir cette seconde phase, notre entreprenons le tour de l’île de Sifnos, effort qui représente l’apogée de notre voyage, et jusqu’ici notre plus long tracé cycladique. Il nous permet de relier, à l’exception de Faros et Chryssopigi, objectifs de notre premier passage (voir ici), presque tous les sites remarquables de l’île : les monastères du Profitis Ilias, de la Panagia Tosou Nerou, d’Agios Andreas et du Profitis Ilias Troulakiou, d’autres bâtiments religieux notables comme la Panagia Poulati ou la chapelle d’Agios Sostis, les villages de Vathi, Kastro ou Artemonas, enfin et surtout des zones naturelles encore inconnues, au centre, sud-ouest et nord-est de l’île.
Le tracé intégral du tour de Sifnos ; en couleur, nos deux premiers jours de marche
A Kamares, la pesante canicule qui nous oppresse dès la sortie du ferry ne doit pas freiner notre élan ; un menu copieux nous attend en effet pour cette première journée de marche, qui doit s’achever au sommet de l’île, dans le monastère du Profitis Ilias, lieu de bivouac particulièrement prometteur. Nous dévorons à la hâte deux pitas et entamons la grimpe dans la foulée, au moment même où le soleil atteint son zénith.
L’ascension est très raide, le terrain caillouteux n’offre pas la moindre protection et aucune brise ne vient nous rafraîchir. Très sensible à la chaleur, mon frère en pâtit ; il vit le premier de ses deux coups de mou du séjour. Il doit serrer les dents jusqu’à ce que nous atteignons, quatre cents mètres plus haut, un plateau couvert de junipérus et s’étendant sur plusieurs kilomètres. A son autre extrémité se trouve le monastère d’Agios Eleftheros, que nous avions visité quelques années plus tôt, avant de traverser le plateau dans le sens inverse. Cette fois nous obliquons à mi-chemin vers le sud, passons le col sur un bel escalier taillé dans la pierre et plongeons dans une zone complètement sauvage de l’île.
Le départ torride de Kamares
Ivonig reprend son souffle en me photographiant durant l’ascension
Vue rétrospective sur Kamares et le sentier
Le plateau de genévriers
Le kalderimi qui nous permet de passer le col
Sur la crête, enfin de l’ombre !
C’est ici, au milieu de nulle part, que se trouve la Panagia Tosou Nerou, un monastère bâti sur un petit replat coincé entre la mer à l’ouest et de hautes montagnes à l’est et au nord. L’endroit est impressionnant et le monastère, malgré son isolement, très propre et fonctionnel ; nous regrettons de ne pas en faire notre lieu de bivouac.
La Panagia Tosou Nerou
Le monastère se dévoile au milieu de la descente
La cuisine du monastère
Son réfectoire
Le monastère et ses alentours, vus du sud-est
Nous avons choisi pour ledit bivouac un autre monastère, celui du Profitis Ilias. Depuis le vallon encaissé où est nichée la Panagia Tosou Nerou, il nous marcher plusieurs heures et gravir un demi-millier de mètres pour l’atteindre. Nous consacrons à cette effort notre fin d’après-midi, voguant de chemins pavés en monopatis encadrés de murets dans un paysage naturel que viennent seulement troubler deux chapelles et une bergerie. La silhouette du monastère apparaît bientôt dans les hauteurs, mais nous devons longuement tourner autour de la montagne avant d’enfin pouvoir emprunter le chemin pavé qui permet d’y accéder.
De la Panagia Tosou Nerou au Profitis Ilias
Le chemin, qui passe d’escaliers en pierre…
…à des monopatis terreux…
…puis à d’autres escaliers taillés
La chapelle d’Agios Konstantinos
La chapelle d’Agia Marina
Vue vers le sud de l’île ; au loin, Kimolos et Milos
Le monastère du Profitis Ilias apparaît dans les hauteurs
En bas du kalderimi menant au monastère
La nuit s’annonce lorsque enfin nous entamons l’ascension finale. J’ai de bonnes jambes et l’exécute à toute l’allure, motivé à l’idée de photographier le monastère pendant le coucher du soleil. Mes attentes ne sont pas déçues ; le charmant édifice baigne dans une sorte de lumière mystique au moment où nous y pénétrons.
C’est un lieu de bivouac idéal : nous pouvons nous laver avec l’eau de son puits, manger dans son confortable réfectoire disposant de sel, de poivre, d’huile et de bougies, et surtout dormir sur son toit, qui est également celui de Sifnos, en admirant la voûte étoilée et une vue panoramique de l’île, le monastère se situant à peu près en son centre. Cerise sur le gâteau, c’est le jour de mon anniversaire, que fête mon frère en m’offrant un sachet de mao croqui dissimulé depuis le départ au fond de son sac. Seul bémol, les sanitaires, d’où peuvent surgir des rats lorsqu’on y jette de l’eau ; mon frère peut en attester !
Le monastère du Profitis Ilias
L’arrivée au monastère
L’église du monastère
Je reçois mon cadeau d’anniversaire, un paquet d’Haribo, sur le toit où nous allons passer la nuit
Le réfectoire du monastère
Nous y mangeons à la lueur des bougies
Notre bivouac, assurément le meilleur du séjour, et peut-être tout court
Vue depuis le monastère sur sa chapelle et sur Apollonia ; à l’horizon, Antiparos et Paros
Au petit matin, nous recevons la visite de randonneurs belges. Nous les laissons profiter du monastère et descendons la montagne, direction Vathi, une station balnéaire du sud-ouest de l’île. Un petit détour nous emmène vers l’église de Taxiárchis tis Skáfis et sa belle iconostase représentant les douze apôtres. Le sentier s’oriente ensuite plein sud, serpente quelques kilomètres à travers les épineux, nous offrant de vastes panoramas sur la Méditerranée, et achève sa course à Vathi, où nous disposons d’une chambre pour la nuit.
Du Profitis Ilias à Vathi
La descente du Profitis Ilias
La fin de la descente ; au loin, Apolonia
L’église de Taxiarchis tis Skafis, encerclée de ruines
L’iconostase de l’église
Panorama sur le grand large ; au loin, Kimolos
Un sentier typique, louvoyant entre les épineux
L’arrivée à Vathi
Il est encore assez tôt quand nous parvenons au village. Nous nous régalons aux frais du paternel, anniversaire oblige, et jusqu’à la fin du jour, continuons, entre deux baignades, à nous enivrer à la retsina ; débauche que je paierai cher les jours suivants.