Je décampe de mon lieu de bivouac improvisé dès l’aurore, avec pour ambition d’arriver à Sintra le soir-même, en ayant visité au passage deux sites remarquables, le couvent des Capucins et le Palais de Monserrate.
Il me faut revenir sur mes pas jusqu’au pied des falaises que j’ai descendu la veille. Alors seulement, je bifurque vers l’intérieur des terres. Un chemin sablonneux me conduit, à travers des palmeraies en friche puis de petites collines, vers les villages anodins d’Almocageme et de Penedo ; du second démarre un tracé forestier en direction du couvent des Capucins.
C’est du moins ce qu’indique une carte glanée sur internet, dont je n’ai jamais pu appliquer les préceptes dans le réel. Très vite, je m’égare complètement et me voit contraint de lutter une demi-heure dans les fourrés. Quand je trouve enfin un sentier, il ne correspond en rien à mes données. A un croisement, un des chemins monte droit dans la pente ; sachant que le couvent des Capucins se situe dans les hauteurs, j’y oblique, et au terme d’un raidillon compliqué par l’obligation d’enjamber de grosses bûches barrant ma route, je débouche sur une route. Analysant ses virages, je parviens enfin à me situer : je suis à quelques centaines de mètres de mon objectif, que j’atteins dix minutes plus tard par une piste reposante.
A la recherche du couvent des Capucins
Une rue du village d’Almocageme ; elles sont toutes pareillement pavées
Le village perché de Penedo
La place du village
Le pseudo-sentier obstrué de végétation qui m’amène au milieu de nulle part
Le moment où je retrouve un sentier
Bâti au XVIème siècle, le couvent des Capucins est niché au fond d’une forêt épaisse et humide, parmi de grands blocs granitiques ingénieusement intégrés dans les murs des édifices. L’impression mi-fascinante, mi-oppressante qui se dégage des lieux est semblable à celle qu’on ressent en observant un ancien temple inca envahi par la végétation. Une dizaine de moines y vivaient autrefois dans des conditions très spartiates. Ils dormaient par exemple dans d’étroites cellules où on ne peut entrer qu’agenouillé par une porte naine et où on ne peut pas se tenir debout. La rusticité des lieux contraste avec l’opulence des palais que je visiterai dans la foulée.
Le couvent des Capucins
La cour extérieure, dite des Croix
Le portail d’entrée
La cour intérieure, dite des Cloches
L’entrée proprement dite du couvent
Les minuscules portes des cellules des moines
Le réfectoire
Un lieu de prière
Les cellules des pèlerins
Le cloître
L’escalier d’accès à la chapelle de la Crucifixion, encastrée dans un rocher
La visite effectuée, je dévale quelques collines forestières pour atteindre le site suivant, le Palais de Monserrate. Construit par le richissime Francis Cook au milieu du XIXème siècle, il est entouré d’immenses jardins, où l’extravagant personnage a amassé diverses plantes ramenées des quatre coins du monde. Les conditions climatiques particulières de Sintra leur permettent d’y prospérer, les cours d’eaux ayant été aménagés pour favoriser les besoins de chacune d’entre elles. Le centre du jardin est dominé par quelques arbres géants, dont certains viennent des Chine ; aux alentours, des roseraies, une forêt tropicale, un désert mexicain. Ici ou là ont été intégrés des éléments naturels ou architecturaux factices, telle une fausse chapelle en ruine. Au coin sud-est se trouve la Casa de Pedra, une maison aux murs de pierres non taillés ; Cook s’y retirait pour peindre.
Les jardins du Palais de Monserrate
L’entrée du palais
Tous les chemins parcourant le parc sont pavés
Un des arbres géants trônant au centre du parc
Exemples de plantes exotiques
Une cascade artificielle
Un passage voûté tout aussi artificiel
Une fausse chapelle en ruine
Un faux cromlech
La Casa de Pedra
Après avoir flâné dans le parc, je me dirige vers le palais proprement dit, juché au sommet d’une colline herbeuse curieusement bombée. De même que les jardins, l’édifice est une synthèse de diverses influences, l’architecte James Knowles ayant mêlé aux principes architecturaux européens d’autres indiens et surtout arabes. Je ne saurais encore aujourd’hui dire ce que je pense de cette œuvre kitschissime, mon impression ayant constamment oscillé entre la fascination et la répulsion. La confusion est notamment de mise durant la contemplation des façades extérieures, lesquelles arborent une déroutante couleur saumon.
On pense ce qu’on veut de l’ensemble ; on ne peut nier, en tout cas, la rationalité de son organisation.
Comme le montre le plan, le palais comprend une partie centrale de deux étages, surmontée d’un dôme et reliée à deux tours rondes symétriques, par des galeries flanquées de grandes pièces de vie.
Les façades extérieures du Palais de Monserrate
L’arrivée au palais par son aile nord
La partie centrale et l’aile sud du palais, vues depuis la pelouse bombée du sud-ouest
Le portique de la partie centrale du palais
La partie centrale du palais, vue depuis l’autre côté
L’aile sud du palais et sa fontaine
Gros plan sur l’une des tours couronnant les deux ailes
On pénètre dans le palais par la tour de l’aile sud. S’y trouve le hall d’entrée, et à l’étage, les appartements de Francis Cook. De ce hall part une galerie arabisante qui traverse tout l’édifice; en son milieu, le hall central. La première partie de la galerie est flanquée de la bibliothèque et de la salle à manger.
L’aile sud du Palais de Monserrate
L’entrée du palais, intégrée dans l’aile sud
Le hall d’entrée
Vue sur le portique d’entrée depuis le hall
La galerie traversant le palais, dont les murs en pierre sont intégralement gravés
Détail des gravures des murs
La bibliothèque
Le hall central, haut d’une bonne dizaine de mètres et couronné d’une coupole, est axé autour d’une impressionnante fontaine en marbre sculptée, observable de l’étage depuis un balcon octogonal. Du couloir entourant ce balcon, on accède aux huit chambres symétriques des invités.
La partie centrale du Palais de Monserrate
Le hall central, avec son balcon octogonal
Gros plan sur la coupole
La fontaine axiale, sculptée dans le marbre
Détail de la fontaine
L’escalier montant à l’étage
Le balcon octogonal de l’étage, d’où l’on accède aux huit chambres
Si on continue jusqu’au bout de la seconde partie de la galerie, flanquée de la salle de billard et de la salle indienne, on accède à la tour de l’aile nord, une unique et vaste pièce à la sonorité parfaite, sorte de salle de concert.
L’aile nord du Palais de Monserrate
La seconde partie de la gallerie
La cheminée de la salle de billard
La tour nord, une pièce unique consacrée à la musique
La coupole de la salle de concert
Alors que je quitte le Palais de Monserrate pour la ville de Sintra, mes réflexions sont interrompues par la pluie. Elle m’avait laissé tranquille depuis la veille au midi et comptait me faire payer cette accalmie. Le crachin devient bien vite un véritable déluge. C’est sous son joug que je visite sur ma route le palais de la Regaleira, situé à la lisière de Sintra, visite dont je ferai le compte-rendu dans le prochain récit. Je regrette bientôt cette incartade, la pluie redoublant de force quand j’atteins le centre du bourg, à tel point qu’elle met à l’épreuve l’étanchéité jusque-là éprouvée de mes chaussures Meindl. Au vu des conditions détestables, j’ai abdiqué depuis longtemps l’idée de bivouaquer ; je cherche une chambre d’hôtel, mais tout est complet; il me faut marcher jusqu’aux faubourgs de la ville pour enfin trouver de la place à l’étage d’un troquet. Me voilà enfin au sec, après trois bonnes heures à subir une saucée diluvienne, assurément l’une des plus éprouvantes de ma vie !
Je resterai à Sintra jusqu’au surlendemain midi, afin d’en explorer l’impressionnant patrimoine architectural. Le prochain récit relatera ces visites. Un mot cependant sur les spécialités culinaires de la ville. Comme lors du reste de mon séjour, les plats salés que j’ai mangé étaient corrects, sans plus. A l’inverse, j’ai pu goûter à des pâtisseries réputées dont je confirme la qualité!
Quelques expériences culinaires à Sintra
Le plat classique, un gratin de morue à la crème, accompagné d’un fromage local
Le travesseiro de Sintra, la plus fameuse pâtisserie locale
D’autres pasteis engouffrés avant mon départ