Traversée de la chaîne Tramontane à Majorque (décembre 2017) – 3/7 – d’Esporles à Cap Gros

D’Esporles à Cap Gros, je suis -avec quelques écarts- le GR221.

En bleu, la section entre Esporles et Cap Gros

L’orientation ne va pourtant pas de soi, le balisage entre Esporles et Valldemossa ayant pâti des tensions avec les chasseurs du coin, qui ont fermé plusieurs passages et saboté nombre de marquages. Je m’en aperçois dès la colline de Penyall Vermell, où chaque croisement est l’occasion de douter de sa trajectoire.

Ladite colline

Avec quelque difficulté, j’avance jusqu’à une vieille structure ayant probablement servi autrefois de réserve d’eau ; un endroit parfait pour passer la nuit à l’abri d’un caprice du ciel.

Deuxième bivouac à Majorque et toujours pas en tente !

Les heures de marche qui suivent le réveil sont tout aussi incertaines. A certains endroits, ce n’est pas seulement le balisage qui est défectueux : le sentier a tout simplement été condamné par les locaux. L’exemple le plus cocasse est ce passage où un mur de pierre a été construit en travers du chemin, puis partiellement détruit par les marcheurs, enfin recouvert d’un grillage avec pancarte, lui même vandalisé sans ménagement.

Bon gré mal gré, je trace ma route jusqu’à Valldemossa, un village pittoresque méritant l’admiration que lui vouait Chopin.

Valldemossa

Vue d’ensemble du village

Dominant les toitures en tuile, la fameuse chartreuse de Valldemossa

Son clocher, avec la tête de Chopin au premier plan

Son portail, point d’orgue…

d’une très jolie placette

Une belle demeure bordant la chartreuse

La rue principale

Une rue secondaire typique, avec ses volets verts et ses pots de fleurs alignés

Une troisième rue jouxtant l’église de Santa Catalina

A la sortie de Valldemossa, plutôt que de suivre strictement le GR221, je préfère opérer un long détour par le Teix, plus haut sommet du coin, histoire d’apprécier la région dans son ensemble. Un pari perdant, la brume épaisse dans laquelle je pénètre au-delà des 1000 mètres d’altitude me privant du moindre panorama digne de ce nom. J’apprécie tout de même la beauté des chemins et les paysages qui percent lentement entre les nuages alors que le tracé me ramène sur le GR221.

Autour du Teix

Le carrossable m’éloignant de Valldemossa…

se transforme en un superbe sentier…

…qui file en sous-bois…

…jusqu’au sommet brumeux de Teix

Dans la descente, un témoignage éloquent des conflits chasseurs/randonneurs

Le brouillard se relâche…

…laissant apparaître un un superbe sentier en zig-zag…

…qui progresse à travers un plateau parfois escarpé…

…parfois aplani…

…jusqu’au sommet de Caragoli

Juste avant le sommet de Caragoli, le sentier oblique vers le nord et descend en lacets prononcés en direction de Deia, autre village fameux de l’île, tapi 700 mètres en aval.

Deia

La descente passe de sous-bois…

…en vagues pâturages

Dans la vallée, le village de Deia ; à l’arrière-plan, la pointe de Cap Gros, objectif de ma journée

Le village de Deia est surmonté du sommet de sa Galera

Son centre historique trône sur une butte verdoyante

Une demeure caractéristique de Deia

Le parvis de l’église, d’où l’on savait accueillir les Barbaresques

Une des nombreuses villas isolées construites autour de Deia

J’ai beau marcher à vive allure depuis mon réveil, je suis encore loin d’être arrivé : une dizaine de bornes me sépare du refuge de Cap Gros, où j’ai réservé une couche, et le soleil décline dangereusement. Il me faut redoubler d’effort pour arriver avant la nuit.

A la sortie de Deia, je chemine en surplomb d’une côte superbe, sur un chemin tout aussi aguicheur.

Le sentier côtier entre Deia et Capella de Castello

Le sentier est parfois terreux…

…d’autres fois pavé…

…parfois structuré par de puissants murets…

…d’autres fois délimité par de gros blocs rocheux

De retour sur l’asphalte, je constate qu’il me reste une bonne heure de soleil pour avaler les 3 derniers kilomètres de mon programme du jour. J’en déduis très présomptueusement qu’il est envisageable de me rendre au refuge par un sentier côtier alternatif indiqué sur les cartes opencyclemap , plus long et sauvage que le GR221. Ses premiers arpents balisés par des cairns laissent supposer qu’il est viable, et on atteint sans encombre le très escarpé front de mer. C’est alors que l’affaire se complique : je dois poursuivre ma route hors-sentier, dans d’inextricables chaos rocheux où l’effort s’apparente à de l’escalade, et butte à terme sur un muret grillagé difficilement franchissable, alors que l’obscurité gagne du terrain. Au loin, j’aperçois d’autres barrières me dissuadant de franchir la première. Plutôt que d’aggraver mon cas, je remonte dans les hauteurs le long du grillage, traverse discrètement le terrain d’une ferme et revient par des routes carrossables au point de départ d’une improvisation bien mal inspirée.

Quelques photos de la côte prises durant ma lamentable entreprise

Peu après mon retour sur le GR221, la nuit devient totale. C’est à la lueur de ma lampe frontale, dans des sous-bois dont l’atmosphère oppressante est renforcée par les aboiements constants des chiens du coin, que j’atteins enfin le refuge de Cap Gros, après 35 bornes de lutte sur des chemins en pente constante. La bâtisse est située a proximité d’un phare, sur une pointe charmante contrôlant l’accès à la baie de Soller, la plus stratégique de toute la côte nord de Majorque.

Cap Gros

Le phare de Cap Gros…

A l’arrière-plan, l’autre pointe enserrant le port de Soller, et tout au fond, la tour Picada

A quelques dizaines de mètres du phare, le refuge

J’aurais l’occasion d’apprécier le site au petit matin. Pour l’heure, je me gratifie d’une douche méritée après quatre jours de privation, lave mes affaires, ingurgite un repas fade mais copieux, comme souvent en Espagne, et rejoins derechef ma couche, dans un refuge dont je suis le seul occupant.