Deux interminables mois d’hiver se sont écoulés depuis que mon frère Ivonig a décroché son Graal: le permis de conduire. Fort de cet accomplissement, nous allons pouvoir barouder dans le Grand Ouest en nous émancipant des deux moyens de transport maléfiques qui nous tourmentent depuis des lustres: dans nos premières années, le réseau ferroviaire hors de prix de la SNCF, dans les dernières le système du covoiturage, aussi irritant par son aspect aléatoire que par les conversations redondantes auxquelles il nous astreint. Il nous tarde de nous lancer à l’aventure en complète autonomie; aussi planifions-nous dès le milieu du mois de février le premier road-trek de notre duo, consacré à la Normandie voisine et étalé sur trois petites journées.
Peu avant le départ, nous qui espérions un temps clément sommes quelque peu découragés par les prévisions climatiques : notre petite excursion tombe en plein milieu de la pire vague de froid subie par le Grand Ouest depuis des décennies ! Le temps s’annonce sec et ensoleillé mais absolument glacial, avec une température négative même en plein après-midi, des pointes nocturnes à -10 degrés, et pour durcir encore l’affaire, des bourrasques de vent du nord à plus de 50 km/h ! Après quelques hésitations, nous nous élançons tout de même, nous attendant, à raison, à vivre les bivouacs les plus rigoureux de notre vie.
Notre détermination a été récompensée : malgré le froid, nous avons pleinement savouré un road-trek compilant 6 boucles à la marche pour un total de 50 bons kilomètres de marche.
Les six balades numérotées par ordre chronologique
J’évoquerai dans un second récit les 5 boucles plus secondaires du road-trek : au préalable, je me concentre sur la marche essentielle qui a justifié à elle seule l’expédition : une boucle de 15 bornes le long des falaises d’Etretat.
Le tracé planifié comprenait une phase aller dans les terres, une phase retour le long du littoral et entre ces deux séquences, la visite d’Etretat et de la Porte d’Amont. Nous y ajouterons une boucle mémorable sur les plages en contrebas des falaises.
La boucle finalement réalisée (lien openrunner)
Au terme d’une balade forestière quelconque, nous arpentons avec plaisir les charmantes ruelles d’Etretat, bordées de façades combinant harmonieusement l’ardoise et les pans de bois.
Nous grimpons dans la foulée vers le plus beau belvédère du site, la porte d’Amont, pointe rocheuse qui ferme au nord la baie d’Etretat.
Sur la porte d’Amont
La pointe
Au sud-ouest, vue sur la ville d’Etretat…
…que prolonge, de l’autre côté de la baie, la porte d’Aval, rendue fameuse par son arche et l’aiguille lui faisant face.
Au nord-est, la côte d’Albâtre, une gigantesque falaise de craie à angle droit s’étendant jusqu’à Fécamp et au-delà
Durant la phase retour nous attend le clou du spectacle, puisque nous devons longer, sur quelques kilomètres, les falaises s’étirant de la porte d’Aval jusqu’au port du Havre. En point d’orgue, le passage au-dessus de plusieurs arches naturelles immenses et de l’Aiguille creuse, pic rocheux immortalisé par Maurice Leblanc dans les aventures d’Arsène Lupin, dont notre duo fut avide lecteur.
Les falaises d’Etretat
La porte d’Aval et l’Aiguille sous tous les angles
Etretat vue de la porte d’Aval
Etretat et la porte d’Amont
La Manneporte
Vue d’ensemble de l’Aiguille et de la Manneporte
Un détail irritant nous empêche de profiter pleinement de la grandeur des lieux. Ivonig jalouse en effet les touristes qui progressent en contrebas, de plage en plage plage, semblant profiter des arches perçant les falaises pour passer d’une baie à l’autre. Mal informé, je n’étais pas au courant qu’un tel parcours était possible, sans quoi j’en aurais fait la phase aller de ma boucle, plutôt que de la tracer à l’intérieur du pays.
Nous brûlons d’envie d’aller jeter un œil en bas, tant et si bien qu’à hauteur de la pointe de Courtine, au moment où mon tracé bifurque dans les terres, nous repiquons vers la plage, avec l’intention de retourner vers Etretat par le littoral.
Nous progressons sur le sable jusqu’à la pointe de Courtine, une falaise s’avançant dans la mer qu’on peut traverser par un impressionnant tunnel aménagé.
La traversée de la pointe de Courtine
La pointe et son tunnel
A l’approche du tunnel
Un chemin de ronde permet d’accéder, depuis l’intérieur du tunnel, à une série de grottes
L’escalier donnant accès au chemin de ronde
La sortie escarpée du tunnel
Un chemin final creusé dans la roche
De l’autre côté du tunnel apparaît l’arche de la Manneporte ; d’elle à nous s’étend une plage splendide. L’eau coule à flot sur les falaises qui l’enserrent, formant ici et là, par ce temps sibérien, d’incroyables stalactites de glace. Nous avons ici affaire à une curiosité géologique nommée « les Pisseuses de Valaine » ; à la vue d’un tel spectacle, nous jubilons d’avoir modifié mon tracé initial et prolongé la balade jusqu’au pied des falaises.
Les Pisseuses de Valaine
La Manneporte
Sous son arche apparaît l’Aiguille
Les Pisseuses s’écoulant sur les parois calcaires…
…forment parfois impressionnants stalactites…
…d’autres fois des sources où nous remplissons notre gourde
Au-delà des Pisseuses, nous butons sur une esplanade rocheuse couvertes d’algues et de ce fait, particulièrement glissante. Nous y progressons précautionneusement jusqu’à ce qu’elle s’affaisse brutalement, nous obligeant à nous jeter dans le sable, deux bons mètres plus bas ; un passage qu’il nous aurait été impossible d’emprunter dans l’autre sens. Peu après, nous franchissons l’arche de la Manneporte, admirons une dernière fois l’Aiguille qui apparaît à l’horizon et remontons dans les hauteurs par un sentier escarpé s’infiltrant dans une faille herbeuse de la falaise.
Le franchissement de la Manneporte
Au fond, la Manneporte ; devant elle, une longue esplanade rocheuse…
…au revêtement douteux
Le franchissement du tunnel du Pertuiser
Le passage acrobatique
Je passe sous la Manneporte…
…et redécouvre la pointe d’Aval
Le sentier par lequel nous remontons la falaise
On y accède depuis la plage par une échelle verticale
De retour dans les hauteurs, nous n’avons plus qu’à revenir à notre voiture par la valleuse d’Antifer.