Déjà familier de la péninsule de la Hague, dont j’ai fait le tour sommaire avec mon ami Sacha en 2015, puis que j’ai traversé quelques mois plus tard, lors de ma première marche solitaire au long cours, j’y emmène mon frère, sur un itinéraire en boucle compilant les meilleurs passages des deux précédents.
Il s’agit cette fois de réaliser le tour complet de la péninsule depuis le lieu de naissance du peintre Millet, le hameau Gruchy, planté sur une falaise de son littoral septentrional. Nous devons en guise d’introduction traverser la péninsule vers la côte sud, puis revenir au point de départ par une trajectoire semi-circulaire suivant strictement le rivage.
La boucle réalisée (lien openrunner)
Le parcours, très accidenté dans sa première partie et dépassant les 45 kilomètres, me semblait nécessiter deux petites journées d’effort. C’était sans compter sur la vigueur des jambes de notre duo, qui bénéficient encore des bienfaits de notre récent odyssée dans le Massif central. En moins de trois heures, nous avons avalé 15 kilomètres; Ivonig pense pouvoir maintenir ce rythme et me propose de conclure la boucle en une journée. J’accepte le défi, et pour le rendre plus facilement réalisable, élimine le détour final par le Castel Vendon, sans grand regret puisque nous avons déjà pu admirer ce pic rocheux coincé entre la lande et la mer depuis les hauteurs du hameau Gruchy, près duquel nous avons bivouaqué la veille au soir.
Nous voilà partis pour un marathon dont la première moitié et le final accumulent les raidillons; performance en soi indigeste, facilitée cependant par la beauté et les variations d’un littoral qui se classe parmi les plus étonnants de toute la façade atlantique.
La traversée préalable de l’arrière-pays est en elle-même savoureuse; elle me ramène dans les landes de Vauville, espace sauvage découvert trois ans plus tôt.
Les landes de Vauville
La Grande Vallée de Vauville, dont le fonds est un marais touffu
Nous l’abordons par son flanc gauche…
…traversons le marais…
…et suivons un vague chemin filant sur son flanc droit…
…qui prend bientôt de la hauteur; sur la butte voisine, le prieuré de Vauville
Vue rétrospective sur la vallée
Le ruisseau serpentant dans la vallée rejoint la mer au niveau du village de Vauville, petit bourg en pierre qui marque la frontière entre deux types de littoral: au sud, une suite de marécages où s’éteignent les dunes de Biville; au nord, des côtes plus minérales et escarpées s’étirant jusqu’au cap de la Hague. Les brumes matinales se dissipant, nous pouvons admirer cette rupture du paysage depuis les hauteurs du village.
Vauville
Au nord du village, des parois se dressant 150 mètres au-dessus de la mer
Au sud, des mares sablonneuses qui dépassent à peine le niveau de la Manche
Entre ces deux biotopes, quelques champs cultivés entourant le village de Vauville
Vue d’ensemble du bourg
Le vieux pont enjambant le ruisseau
Une rue du village
Un fort côtier
C’est vers la section nord, la plus escarpée, que nous obliquons à la sortie du bourg. Sacha et moi avions quelque peu peiné trois ans plus tôt dans ce superbe mais exigeant tronçon. Il en va tout autrement avec Ivonig; il nous faut à peine deux heures pour dépasser le Nez de Jobourg, sa pointe la plus marquée. C’est en constatant notre surprenante vélocité qu’Ivonig me propose de finir notre tour le soir même.
Vers le Nez de Jobourg
Le début des montées/descentes
Les parois de sont pas aussi escarpées que celles de la côte nord de Bretagne…
…mais nettement plus élevées, les champs les surplombant s’élevant entre 100 et 150 mètres
Au loin apparaît le Nez de Jobourg
Le Nez de Jobourg vu de l’est…
…et de l’ouest
Du Nez des Voidries au petit port de Goury, la côte s’affaisse anarchiquement, mêlant aux affleurement rocheux une gamme variée de buissons, d’arbrisseaux et de fleurs; nous nous délectons d’une suite de tableaux comptant parmi les plus remarquables du littoral du Cotentin.
Un littoral bucolique
Le rocher étrange de la Côte Soufflée
Les parois colorées de la baie d’Ecalgrain
La pointe du Houpret
Le rocher du Calanfrier, au-delà duquel la côte finit de s’effondrer
On distingue bientôt le port de Goury; au large, le phare du Cap de la Hague
La faune touristique ayant pris Goury d’assaut, nous écourtons au maximum notre pause déjeuner , dépassons le cap de la Hague et crapahutons alors sur un terrain aussi plat que celui du matin fut escarpé.
La prochaine douzaine de kilomètres, notre sentier sera presque systématiquement coincé entre des pâturages et des plages de galets; tableau original, tant il est rare de voir s’étendre les champs jusqu’au rivage même.
Nous profitons de l’absence presque totale de dénivelé pour avancer le plus vite possible, et avons encore du temps devant nous lorsque réapparaissent des reliefs significatifs, au-delà du village d’Omonville-la-Rogue.
Les derniers kilomètres de côte
L’un des dernières grimpes vise à surmonter la butte sur laquelle dépérissent les ruines du fort d’Omonville
Lesdites ruines
Mais c’est le raidillon final nous ramenant à notre point de départ, le hameau Gruchy, qui nous laissera le plus douloureux souvenir. Si nous avalons tout de même ses 100 mètres de dénivelé conclusifs avec le sourire, c’est par satisfaction d’avoir accompli ainsi l’une de nos plus mémorables performances: presque 44 kilomètres en 9 heures de marche, avec au moins 700 mètres de dénivelé! Une belle façon d’en finir avec la côte normande, que nous ne sommes pas prêts d’arpenter à nouveau.