A mon réveil, le soleil de la veille n’est plus qu’un lointain souvenir ; j’ai affaire à un crachin constant et à des brumes persistantes qui rendront plus difficile encore une orientation déjà compromise par l’absence de balisage. Je devine déjà les galères qui m’attendent et feront de cette seconde journée de marche la moins plaisante du trek.
En rouge, la seconde journée de marche
Tout commence pourtant bien, avec la découverte quasi-mystique d’une salpêtrière en ruine, perdue au milieu d’immenses tourbières dans lesquelles se repérer par mauvais temps est un véritable défi. Les premiers kilomètres, je parviens tant bien que mal à me situer, mais au moment où j’atteins les hauteurs de Beardown Tors, le brouillard devient si épais, les landes désolées qui m’entourent si homogènes et dénuées d’indice, que je ne peux plus progresser autrement qu’en visant l’ouest en louvoyant entre les mares tourbeuses, en espérant m’approcher du principal objectif de la matinée, le chaos rocheux célèbre de Great Mis Tor.
A la recherche du Great Mis Tor perdu
Je démarre l’effort sur un sentier facile
La salpêtrière
Une des maisons en ruine
Le sentier bien moins évident qui file vers Beardown Tors
Les premiers affleurements rocheux de Beardown Tors
La réussite de mon entreprise reposait sur le bon usage d’une boussole minuscule, que j’ai la bonne idée de perdre quelques minutes plus tard. Me voilà paumé au milieu de nulle part, ne sachant bientôt plus distinguer le nord du sud. J’erre sans but pendant plus d’une heure, croyant avancer vers l’ouest ; dans les faits, j’ai plutôt tourné en rond avant de tendre vers le sud, ce dont je me rends compte quand la brume se lève quelque peu, laissant apparaître un vallon marqué que j’identifie sur les cartes : il file jusqu’au hameau de Two Bridges.
Le vallon de Two Bridges
Histoire de mettre un terme à mon calvaire, je le suis jusqu’à une ferme plantée au bord de la seule route traversant le Dartmoor d’est en ouest, route que je vais suivre quelques kilomètres en abandonnant la découverte de Great Mis Tor.
Les landes embrumées du Dartmoor vues de la route
Trois kilomètres d’asphalte à pied, trois autres en voiture et je profite d’un temps plus clément pour m’enfoncer de nouveau dans les landes au niveau du village de Merrivale, pour une virée plaisante de cinq kilomètres qui s’achève dans le bourg de Peter Tavy, frontière occidentale du Dartmoor, au-delà duquel l’homme reprend le dessus sur la nature.
Vers Peter Tavy
Les sommets rocheux de Staple Tor…
…de Cox Tor…
…et au loin, de White Tor…
A l’horizon, la lande laisse place au bocage
A gauche, le village de Peter Tavy ; au fond, sur une butte pyramidale, l’église iconique de Brentor
Le ruisseau de Colly, qui traverse Peter Tavy
L’église de Peter Tavy, dominant un cimetière celtique
Maison du village
Un repas copieux mais fade m’y réchauffe les tripes
Je ne retournerai dans les hauteurs du Dartmoor que le lendemain ; dans l’immédiat, je m’accorde un détour par les gorges voisines de Lydford. Sur ma route, le village de Mary Tavy. Y passe un sentier balisé que je fais l’erreur de suivre ; ses marques très disparates me conduisent dans une série de champs gorgés d’eau où je m’égare de nouveau.
Les structures en bois qui permettent de passer d’un champ à l’autre me rappellent celles du Dorset
Sur le carrossable me ramenant à la route, je franchis une clôture électrique particulièrement élaborée : sa barrière, alimentée par un panneau solaire, s’actionne avec un interrupteur.
Un dernier obstacle me sépare des gorges de Lydford : la colline de Gibbet.
La faille boisée de Lydford vue de Gibbet Hill
Les gorges proprement dites, dont l’entrée est payante, tranchent par leur luxuriance presque tropicale avec l’aspect décharné des landes alentour. Deux parois parfois verticales y forment un canyon étroit que l’on remonte sur plusieurs kilomètres, en passant ici sur des tronçons avec rampe aménagée, là dans un tunnel, avant de s’enfoncer, au creux d’une faille, vers le Chaudron du Diable, un bassin caverneux qu’on peut contempler d’une très douteuse passerelle en ferraille.
Lydford Gorge
L’entrée dans les gorges
La cascade de White Lady
Le sentier humide remontant le Lyd
De nombreuses rampes y ont été implantées
L’approche du Chaudron du Diable
La passerelle du Chaudron
Les marches y menant, creusées dans la roche et particulièrement glissantes
Un peu plus loin, un passage sous le pont de Lydford
La journée se conclut par la visite du sympathique village de Lydford. J’ai prévu de camper dans ses alentours, hésite à m’installer dans un abri un peu glauque, opte finalement pour l’aire de camping adjacente, libre d’accès.
Autour de Lydford
La taverne du village
L’église Saint Petrock
Les ruines du château
L’abri que je renonce à investir…
…au profit de cette pelouse
Ma matinée galère dans des landes brumeuses me rend assez circonspect quant à la viabilité de l’itinéraire du lendemain, censé me conduire dans les collines septentrionales du Dartmoor, les plus sauvages du massif. C’est en plein doute que je rejoins les bras de Morphée.