Lutte hivernale dans la Sierra Nevada (décembre 2018) – 2/7 – par monts et par vaux

A peine sorti du Généralife, le palais le plus oriental de l’Alhambra, je me retrouve en pleine nature, et n’ai plus qu’à tendre vers l’est et les hauteurs de la Sierra Nevada, avec pour objectif minimal l’exploration de la vallée du Rio Genil, la plus profonde de tout le massif.

En rouge, la marche vers le cœur de la Sierra Nevada

Pendant une douzaine de kilomètres, je suis la célèbre ligne de crête qui relie Grenade à Beas de Granada par une alternance de voies carrossables et de sentiers, avec un panorama constant sur les cimes enneigées de la Sierra Nevada. Je ne quitte l’arête qu’au moment où elle oblique vers le nord ; je dois pour ma part tendre vers le sud-est, et plonge pour ce faire vers le village de Dúdar, caché au fond d’une vallée aride.

Un belvédère géant

Le chemin de gravier par lequel je m’extirpe de l’Alhambra, avec vue constante, à droite, sur des pics glacés…

…et à gauche sur les sommets moins hostiles de la Sierra Arana

Le sentier de hautes herbes qui conduit au modeste sommet du Cerro del Sol

Du Cerro del Sol, vue au nord sur la vallée du Darro…

…et au sud-est vers la Sierra Nevada

Un sentier bordé de genêts, aux abords de la Peña a de los Agujeros

A l’instant ou la crête bifurque vers le nord…

…je bascule en amont d’un cimetière…

…vers le village de Dúdar

Du fonds de la vallée, j’attaque sans attendre les 600 mètres de dénivelé du versant opposé, plus abrupt, en espérant pouvoir poser ma tente sur l’arête étirée de los Jarales, qui en constitue le sommet. Mes espoirs sont comblés, la ligne de crête recelant nombre de replats herbeux avec vue panoramique sur la Sierra Nevada. Je m’installe sur le plus séduisant d’entre eux et dîne en observant une chaîne de montagne dont la crête principale est si peu enneigée que je prends soudain conscience qu’il est envisageable de la franchir, ce dont je me convainc à mesure que le sommeil me gagne.

Sur la crête de los Jarales

De la crête, vue sur la pente gravie par des sentes plus ou moins enfouies dans la végétation…

…et sur les 3000 de la Sierra Nevada, très peu enneigés

Un chemin de crête tranquille…

…avec vue sur le village de Quéntar…

…me conduit vers une bosse aplatie…

…surplombant la retenue d’eau de Canales

J’y pose ma tente…

…avec vue sur le sommet voisin d’Alto del Toril…

…et sur une Sierra Nevada si peu enneigée qu’elle me donne des idées !

Excité par la perspective imprévue de franchir la Sierra Nevada et d’ainsi pouvoir découvrir, au sud du massif, les vallées des Alpujarras, je bondis de ma couche aux aurores et fonce au village voisin de Güéjar Sierra, afin d’adapter mes ressources au changement éventuel de programme. Je me munis d’assez de pâtisseries, de fruits et de légumes pour tenir quatre jours en autonomie complète et utilise la bonne connexion internet du bourg pour télécharger sur mon smartphone une douzaine de cartes d’opencyclemap, censées couvrir approximativement un nouvel itinéraire que j’improvise en vitesse.

Güéjar Sierra

Le bourg vu d’en haut…

…et d’en bas

La rue principale

La place centrale, sur laquelle je conçois à l’arrachée le nouveau tracé

Le village de Güéjar Sierra est planté dans les hauteurs d’une vallée où coule le Rio Genil, deuxième fleuve d’Andalousie, encore à l’état de ruisseau. Il me suffit de remonter son cours pour pénétrer dans une vallée immense dont les pentes méridionales forment les contreforts des principaux sommets de la Sierra Nevada.

Pendant une bonne heure, je suis la voie désaffectée d’un ancien train, dont les aménagements laissent deviner l’effort homérique qu’à présenté sa construction.

L’ancienne voie ferrée de la Sierra Nevada

La voie s’apparente parfois à un sentier muletier…

…mais dévoile à d’autres endroits de puissants murs de soutènements…

…traverse des tunnels obscurs…

…ou perce la roche

Un vestige de l’ancien rail

Après cinq kilomètres paisibles, je bifurque sur le sentier plus accidenté et agrémenté de ponts suspendus de la Vereda de Estrella, qui conduisait autrefois à une mine de cuivre. La randonnée circulaire qu’on peut y effectuer est la plus célèbre de la Sierra Nevada ; renommée légitime au vue d’une beauté que mes photos peinent à rendre.

La Vereda de Estrella

L’endroit où je bifurque sur le sentier

Il monte par palier…

…de petits cols en petits cols

Après une petite heure de marche, vue en arrière…

…sur l’autre flanc de la vallée…

…et sur la suite du parcours

Derrière les replis boisés de la montagne, j’aperçois de plus en plus nettement ses hauteurs verglacées

A un carrefour de sentier, je quitte le Vereda de Estrella, repique vers le Rio Genil, y lave mes chaussettes puis me hisse sur la Cuesta de los Presidarios, crête secondaire prononcée qui file droit vers la Cucaracha, un refuge non gardé perché à 1840 mètres de hauteur et tout à fait fonctionnel.

Vers le refuge de la Cucaracha

Un effort violent et je me hisse sur une crête…

…d’où je peux observer la vallée que j’ai remonté tout l’après-midi…

…la zone où je l’ai quittée…

…et sa continuation vers l’est

Devant moi, les trois plus haut sommets de la Sierra Nevada…

 …le Pico Mulhacen, le Pico del Veleta et l’Alcazaba

L’abri…

…sa cuisine…

…et ses literies

Le refuge de la Cucaracha est un lieu de halte classique pour ceux qui entreprennent l’ascension de l’Alcazaba. En plein hiver, ils sont peu nombreux à s’y frotter, bien que j’ai croisé, un peu plus tôt, deux alpinistes en revenant. J’imagine de ce fait passer la nuit dans la plus complète solitude. Erreur : deux groupes de jeunes me rejoignent en cours de soirée et mettent à contribution la cheminée du refuge, à mon grand plaisir.

C’est réchauffé par leur feu et bercé par leurs discussions que je rejoins les bras de Morphée.