Tour de Belle-Île-en-Mer en deux jours (juin 2019)

Mon frère et moi avons souvent fait le tour de Belle-Île-en-Mer, en groupe puis en duo, de refuge en refuge puis en autonomie, en quatre jours puis en trois. Il ne nous restait qu’un défi à relever : avaler les 80 kilomètres de sentier qui ceinturent l’île le plus vite possible, c’est-à-dire, pour les simples marcheurs que nous sommes, en deux journées entrecoupées d’une nuit en tente.

Nous sommes partis en plein solstice d’été, histoire de profiter d’un maximum de temps de jour, et avons eu la chance d’être protégés du soleil par de nombreux nuages, sans pourtant recevoir une goutte de pluie. Nous avons bien sûr démarré la marche à Palais et fait le tour de l’île dans le sens conventionnel, inverse des aiguilles d’une montre, selon un plan qui a consisté à couvrir un maximum de distance le premier jour et à finir tant bien que mal la boucle le second. Un plan que nous avons parfaitement respecté, en couvrant plus de 50 kilomètres en une journée, notre record, performance d’autant plus significative que le parcours est très casse-pattes. Au final, nous aurons bouclé l’itinéraire en 32 heures, incluant quatre pauses, une courte nuit de sommeil et une ampoule, ma première en dix années de marche !

Le parcours avec ses étapes (lien openrunner)

Une fois n’est pas coutume, j’ai profité de cet ultime séjour sur Belle-Île pour en photographier les plus beaux sites, afin de conclure en beauté trente ans de relations intimes avec ce magnifique bout de terre.

A la sortie du travail, Ivonig m’emmène à Quiberon, d’où nous embarquons en fin d’après-midi pour le Palais, très objectivement le plus joli port du monde. A peine à terre, nous nous filons vers notre habituel aire de bivouac secret, dans une forêt épaisse bordant la Citadelle Vauban.

L’arrivée à Palais

Le quai Bonnelle

Le bassin à flot

L’entrée de la Citadelle Vauban

Vue d’ensemble de la Citadelle

Sur la côte qui prolonge la Citadelle…

près des premiers arpents du sentier…

notre légendaire site de camping

Dès les premières lueurs, nous décollons du sous-bois et filons à bonne allure vers Sauzon, affrontant directement la partie la plus physique de tout le sentier ; celle également que nous connaissons le mieux.

De Palais à Sauzon

Un départ aux aurores

Les montées descentes commencent

Le VVF où nous avons passé de nombreuses semaines durant l’enfance

L’enchaînement des criques

Sauzon

Nous arrivons à Sauzon si tôt que les bistrots où mon frère comptait boire un café sont tous fermés. Nous nous contentons de recharger les gourdes et filons vers l’un des plus beaux sites de l’île, la célèbre pointe des Poulains, extrémité d’une péninsule tendue vers les vents du nord-ouest.

La pointe des Poulains

Si les ajoncs sont presque tous cramés, les bruyères sont en fleurs

La crique de Deuborh

Comme bien d’autres sur l’île, son fonds est fortifié

Quelques kilomètres de marche…

et nous profitons, seuls, des panoramas sur le phare des Poulains

Près du phare…

le fort Sarah Bernhardt

La péninsule est fermée…

par l’anse de Stêr-Vraz

Au-delà de la plage de Ster-Vraz s’étend la côte sauvage proprement dite, une plaine immense, aplatie et dépouillée, s’affaissant parfois en criques profondes et toisant l’océan du haut de falaises de 40 mètres.

Au cœur de la côte sauvage

Vue d’ensemble depuis le nord

A notre gauche, on distingue parfois la silhouette du Grand Phare

Tout du long, des falaises abruptes creusées de grottes…

dont la plus célèbre est la grotte de l’Apothicairerie

Quatre ou cinq criques rompent la monotonie, contre quelques efforts

La section s’achève sur la plage de Port-Donnant, la plus profonde de l’île, avec ses dunes de sables

Nous débouchons sur la plage à midi, après 7 heures et 30 bornes de marches. Pour retrouver des forces, nous avons recours à l’inégalable triptyque baignade/déjeuner/sieste. Mon frère dort une heure, moi presque autant, ce qui nous permet de repartir avec de bonnes jambes.

Nous reprenons la route sur une portion particulièrement tourmentée de la côte, qui culmine aux Aiguilles de Port-Coton.

Autour de Port-Coton

Passée la pointe du Grand Guet, des falaises de plus en plus éclatées…

nous mènent aux Aiguilles de Port-Coton

Le plus fameux point de vue sur les Aiguilles, immortalisé par Monet

Dans la foulée, face à l’hôtel du Grand Large…

le chaos rocheux de Port Goulphar…

s’étire jusqu’à la pointe du Talut…

et son sémaphore, marquant la fin de la côte sauvage…

et l’adoucissement du paysage

Avec 40 bornes dans les jambes, nous abordons la crique la plus éprouvante de l’île, celle de Port Kérel, où s’achève normalement le deuxième jour de marche des randonneurs faisant le tour de l’île en quatre jours. Le tour de la crique s’étale sur 2 kilomètres très physiques, au terme desquels on n’a avancé que de 300 mètres à vol d’oiseau.

A sa sortie, nous sommes encore frais, au point que mon frère émet l’idée téméraire de ne pas bivouaquer et de finir de nuit le tour de l’île. C’est en tout cas à bon rythme que nous avalons l’un des plus agréables segments du sentier, menant à la plage d’Herlin et sa petite sœur de Baluden, selon nous la plus belle de l’île.

Vers la plage d’Herlin

La crique de Yeyew

Les hautes falaises qui suivent…

meurent au pied de la plage d’Herlin…

dans la foulée, celle de Baluden…

entourée de dunes herbeuses qui évoquent l’Irlande

Au passage de la pointe de St-Marc, la réalité reprend le dessus ; nous marquons le pas, et le tour harassant de la crique de Pouldon nous fait enfin caler. Pas trop tôt, après plus de 50 kilomètres de marche, record à battre !

La crique qui nous a achevé

Nous stoppons la marche au bon moment, le bord de route offrant plusieurs coins propices au bivouac. Nous nous installons en vitesse, avalons une salade et goûtons en un clin d’œil un sommeil si profond qu’il ne sera stoppé que par la sonnerie du réveil, neuf heures plus tard.

Bivouac sur la pointe du Pouldon

Comme prévu, les jambes sont lourdes ; nous affrontons au ralenti les raidillons qui s’enchaînent jusqu’à la pointe du Skeul, qui ferme la côte sud de l’île. Trois kilomètres plus loin, nous faisons une pause déjeuner précoce à Port Maria, près du village de Locmaria, ou s’achève traditionnellement la troisième étape de marche.

Autour de Locmaria

Dès le démarrage, les côtes s’enchaînent…

parmi lesquelles le pire raidillon de l’île, près de l’île de Bourhic

Vue sur la côte sud depuis Porh Coter…

et depuis la pointe du Skeul, toujours assaillie d’oiseaux

Au-delà de la pointe d’Arzic…

nous basculons sur la côte est, la plus modeste de l’île…

et atteignons Port Maria, dominée par un fort aménagé en villa luxueuse

Revigorés, nous accélérons le rythme malgré la répétition des montées/descentes, basculons sur la côte nord et traversons en bord de mer la plage des Grands Sables. A sa sortie, le balisage indique le Palais à moins de 8 kilomètres ; si nous pressons le pas, nous arriverons à temps pour sauter dans le premier bateau de l’après-midi. Pris d’un coup de sang, mon frère s’élance à toute allure, et nous mène à 6 kilomètres heure vers les quais de Palais, où se conclut l’aventure avec une dizaine d’heures d’avance sur le timing que nous avions établi !

Un final à marche forcée

La côte est et ses criques traîtresses

L’arrivée sur la côte nord

Les Grands Sables, dominés par le village de Samzun

Sur la pointe, une des nombreuses fortifications de la côte nord

Mon frère filant à toute allure vers le port de Palais, visible à l’horizon

A la satisfaction du devoir accompli se mêle déjà un brin de nostalgie : je ne remettrai plus les pieds, du moins comme randonneur, dans des lieux où j’ai découvert, trente ans plus tôt, le plaisir de la marche.