Le massif karstique de Piatra Craiului est structuré par un immense cordon montagneux dont les parois calcaires surgissent à la verticale des forêts environnantes. Avant de suivre sa ligne de crête du nord au sud, je dois surmonter la montagne secondaire de Magura Mare.
L’itinéraire dans Piatra Craiului
Déposé à Bran en milieu d’après-midi, je n’ai pas envie de bivouaquer en pleine nature, au milieu des ours, et vise l’aire de camping de Botorog, située à une douzaine de kilomètres, sur l’autre versant du mont Magura Mare. Aussi n’ai-je pas le temps de visiter l’intérieur du célèbre château.
Finalement, je n’aurai pas besoin de marcher si longtemps. Après 600 mètres d’ascension, je dégote une bergerie entre deux bosses, et si je brise un de mes bâtons de marche en tentant d’ouvrir sa porte principale, je parviens finalement à pénétrer dans l’abri par une entrée secondaire. Même s’il est si délabré qu’il faut faire un peu de ménage avant de s’y installer, il m’offre à l’improviste une nuit parfaitement sécurisée ! Je trouve bien vite le sommeil, bercé par l’orage qui explose soudainement.
Autour du mont Magura Mare
Une ascension en sous-bois…
…puis sur une ligne de crête…
…d’où l’on aperçoit, à l’ouest, les cimes de Piatra Craiului, couvertes de nuages orageux…
…à l’ouest, les monts Bucegi, dont j’ai eu tant de mal à me défaire…
…au sud, les collines des Carpates roumaines…
…et au nord, le village de Zarnesti, d’où s’élancent traditionnellement les randonneurs s’attaquant aux monts Făgăraș
Une bergerie providentielle
Mon bivouac de fortune
La nuit disperse les nuages et je repars sous le soleil, même si de nouveaux orages sont annoncés pour l’après-midi. Dans la vallée de Botorog, près d’une fontaine où je remplis mes gourdes, je demande à deux randonneurs garant leur voiture s’ils n’auraient pas un bâton de trop à me vendre. Miracle, ils en ont deux de secours dans leur coffre, et m’en offre un qui remplacera parfaitement la canne de fortune que j’ai taillée une heure plus tôt. De nouveau opérationnel, j’aborde par la Cabana Curmatura l’arête karstique de Piatra Craiului, dont les cimes commencent déjà à se couvrir de cumulus.
Une matinée d’approche
La bergerie au réveil
A l’ouest, la silhouette altière de Piatra Craiului
Sur la fontaine de Botorog, mes trois bâtons ; à gauche, la canne de bois, au milieu, mon Fizan, à droite, celui qu’on m’a gracieusement offert
Des pâturages de Zanoaga…
…je constate que le ciel se charge au-dessus de mon objectif
L’aire de bivouac de Curmatura
Au col de Crapatur, je me retrouve au pied du cordon montagneux central de Piatra Craiului, dont les parois sont de véritables falaises. Les sentiers qui s’y infiltrent s’apparentent à des voies d’escalades dans lesquelles je ne suis pas à l’aise. Je vais toutefois plus vite que les nombreux touristes présents dans ce secteur, dont beaucoup de Russes et de Moldaves, et me juche en moins d’une heure sur une crête qui toise de plus de 1000 mètres la vallée où j’ai rempli mes gourdes trois heures plus tôt.
L’ascension de Piatra Craiului
Le col de Crapatur
A ma droite, le mont Prislopului
A ma gauche, une queue de touriste prêts à lutter…
…dans des cheminées…
…voire à même la paroi…
…pour se hisser sur le mont Turnu…
…d’où l’on peut observer le mont Pristopului…
…la vallée de Zarnesti…
…et l’arête centrale de Piatra Craiului, qui se perd dans les nuages
Je n’ai plus qu’à suivre une arête étroite et accidentée, dont le premier kilomètre est couvert de buissons très gênants. On y avance au ralenti, en usant cesse des mains, jusqu’à ce que la crête se dégarnisse, rende la progression plus agréable et laisse enfin le temps de profiter des panoramas sans fin sur les Carpates. Deux kilomètres plus loin, je déjeune dans le refuge en demi-ballon de football du 7 novembre, en me demandant si je ne vais pas y passer la nuit, les nuages se faisant de plus en plus menaçants.
Vers le refuge du 7 novembre
La crête buissonneuse…
…se dégarnit…
…tout en devenant de plus en plus exposée
Mille mètres plus bas, la vallée de Zarnesti
Points de vue sur le refuge du 7 novembre
Pendant le repas et contre toute prévision, le temps s’améliore, ce qui m’incite à reprendre la route. Heureuse idée, l’arête se dégageant complètement et m’offrant une succession de panoramas splendides, alors qu’elle sera, le lendemain matin, complètement prise par la brume.
Sur la crête centrale de Piatra Craiului
Quelques vues vers l’avant…
…et vers l’arrière
La mémorable séquence de deux heures s’achève à La Om, sommet du massif, sous lequel a été édifié le refuge de Saua Grindului, semblable à celui où je me suis arrêté précédemment. Près du refuge, le col du même nom, d’où un raidillon impressionnant dégringole la paroi occidentale de Piatra Craiului. C’est par cette voie inquiétante que j’entends m’extirper du massif le lendemain.
Pour l’heure je pose ma couche dans l’abri exigu, à côté de celle d’un couple de trailers. Une heure plus tard, alors que je cherche le sommeil, six randonneurs moldaves s’ajoutent à notre trio. Nous voilà serrés comme des sardines, à neuf, dans un abri prévu pour cinq ou six personnes maximum ! La nuit s’annonce folklorique, mais l’ambiance est agréable, et le guide de haute montagne à la tête des Moldaves m’aidera grandement durant la descente du lendemain.
Une nuit au sommet
J’immortalise le passage au sommet…
…grâce à l’aide d’une joyeuse bande de roumains
Sous le sommet…
…un refuge minuscule…
…où nous nous tassons à neuf !
La disposition savante des couches
Les trois heures de désescalade matinale s’effectuent sur un terrain qui mixe selon Alexandre, le guide de haute montagne, des passages de difficulté 4 et 5. Les premiers me conviennent, les seconds un peu moins, et en solitaire, j’aurais eu grand mal à les affronter ; je peux dorénavant chiffrer mes limites !
La désescalade de Piatra Craiului
Le raidillon vu du col de Grindul
Notre guide Alexandre ouvre le chemin…
…décide de la marche à suivre…
…et nous aide tour à tour dans les passages difficiles
Les femmes ouvrent la voie…
…les hommes la ferment
Une cheminée…
…dans laquelle nous nous infiltrons
Le dernier passage vertical
Je progresse avec aisance sur la pierre, beaucoup moins sur la neige, notamment lors du franchissement d’un névé où la moindre glissade s’achèvera dans un précipice.
Je sème mes camarades au niveau du plus célèbre site de Piatra Craiului, l’anomalie géologique de la Zapiaz.
D’en contrebas, ses arches calcaires sont particulièrement photogéniques.
Il m’aura fallu presque trois heures pour désescalader le kilomètre de falaise qui sépare le refuge de la Zapiaz. Je laisse derrière moi une montagne qui m’aura pompé beaucoup d’énergie.