Les Alpes orobiques d’ouest en est (juin 2020) – 2/3 – sur la crête

J’aurais aimé suivre la dorsale des Alpes orobiques jusqu’à son terme ; les circonstances me contraindront à la quitter précocement, après trois jours de marche continue au-dessus des 1800 mètres d’altitude.

En rouge, ma percée semi-réussi sur l’arête orobique

Première attraction sur ma route, le canalone del Forno, une cheminée rocailleuse calée sous le refuge Cesare Begnini. En ce dimanche ensoleillé, les randonneurs s’y pressent.

Vers le canalone del Forno

La crête que je suis part du Pizze Tre Signori…

…et s’étire vers l’est sur 70 kilomètres à vol d’oiseau

Les sources d’eau s’y font rares

Passées quelques mares moins potables…

…j’aperçois le refuge Cesare Begnini dans les hauteurs

Et loin en-dessous, le canalone del Forno

Le canalone del Forno vu d’en bas

Douze kilomètres plus loin, le sentier, redevenu conventionnel, me conduit à la cabane Alberto Zamboni. Les tentacules du gouvernement italien se sont étendues jusqu’à cet abri perdu, dont un arrêté orwello-sanitaire interdit l’usage. Je résiste à l’envie de le déchirer, l’ignore tout de même et m’installe discrètement.

Un après-midi sur la crête

Au loin, l’objectif du moment, le Pizzo delle Segade

Un enchaînement de perspectives…

…un passage sur voie pavée…

…un ultime franchissement de col…

…et je me réfugié dans le très pierreux bivacco Alberto Zamboni

Ce soir là, en examinant les cartes, je repère un abri qui avait échappé à mon attention, placé qu’il est à l’écart du sentier principal. Y faire halte la nuit suivante m’imposerait une marche de 20 bons kilomètres pour 1700 mètres de dénivelé positif et autant de négatif, sur un chemin pierreux, parfois non balisé et transitant par le Corno Stella, un sommet de 2620 mètres dont les pentes risquent d’être fortement enneigées. Après quelques tergiversations, je valide l’idée et m’élance aux aurores.

A marche forcée

Loin en arrière, le Pizzo Tre Signori

Le premier obstacle du jour, le mont Valegino

A mes pieds, une vallée qui permet d’accéder…

…à un domaine skiable…

…dominé par le mont Cavallo

Entre les monts Valegino et Cadele, le lac du Porcile…

Du col coincé entre le mont Cadele et la cime des Loups…

…la vue sur le lac du Porcile est admirable

Passé le moins photogénique et plus artificiel lac Moro…

…je louvoie entre les bouquetins…

…en direction du Corno Stella

Au sommet se dévoile enfin le segment de l’itinéraire qui m’a fait hésiter la veille. État des lieux : je vais devoir descendre le Corno Stella par sa face orientale, très raide, puis grimper le Pizzo Zerna hors-sentier par sa face nord, pas trop verticale mais partiellement enneigée. Tout cela me semble jouable et le sera en effet, si ce n’est le franchissement final de l’arête, qui m’imposera l’escalade mal assurée d’un névé de trois mètres. Je regrette d’autant moins ce choix de tracé que l’abri qui justifiait tant d’efforts, le bivacco Pedrinelli, se classe en haut du panier, par son confort comme sa situation.

Un final bien senti

Du Corno Stella, une dorsale dentelée part plein nord…

…délimitant les contours d’une vallée rectiligne

A l’est, sur l’arête menant au Pizzo Zerna…

…le névé, entouré de rouge, par lequel je vais basculer sur son flanc sud…

…au terme d’une longue transition par la vallée…

…et d’une montée sèche dans la caillasse et la neige

De l’autre côté, un abri merveilleux resté dissimulé jusqu’au bout…

…le bivacco Pedrinelli…

…qui est particulièrement bien tenu

La matinée suivante est plus anodine, si bien que mon meilleur souvenir reste le passage au refuge Fratelli Longo, élu haut la main meilleur restaurant alpin de ma vie. Le rapport qualité/prix de sa nourriture est imbattable en Europe de l’ouest, et le gâteau aux myrtilles si bon que j’en ai demandé une deuxième à emporter, pour découvrir, à l’heure du goûter, que le cuistot m’en avait glissé une troisième, après avoir catégoriquement refusé que je paye l’autre ! Qu’il en soit remercié.

Les deux meilleures parts de tarte de ma vie

Ce fameux pâtissier, de même que les cyclistes présents, me déconseillent d’affronter sans crampons les cols à suivre, à commencer par le proche Passo della Selletta. Un peu inquiet, je m’élance tout de même et le maîtrise sans difficulté. Ont-ils exagéré le danger ?

Vers le Passo della Selletta

La voie pavée qui relie le bivacco Pedrinelli à la vallée suivante

Les montagnes entourant le refuge Fratelli Longo

En surplomb du lac de Diavoto…

Le Passo della Selletta…

…du haut duquel m’apparaît le mont Madonnino

C’est au col suivant, le Passo di Valsecca, complètement pris par la neige, que les problèmes surgissent. Par la voie normale, il est infranchissable sans crampons. J’y parviens tout de même au prix d’un gros contournement, mais c’est de l’autre côté que m’attend le pire : au sortir de la neige, le sentier est par endroit effondré, probablement suite aux fontes printanières, et n’a pas encore été refaçonné. A deux reprises, je dois créer ma propre trace, en avançant sur une pente gravillonneuse presque verticale, au prix de quelques frayeurs. La séquence est courte mais stressante ; je reprends mon souffle dans un improbable abri métallique, le bivacco Aldo Frattini

En galère

Le Passo di Valsecca

Je l’aborde par un replat glacé

De l’autre côté, pas beaucoup de neige…

Mais une paroi abrupte à la sente disparate

Cent mètres plus loin, sur une crête tranchante…

…l’abri Aldo Frattini…

…qui peut accueillir sans problème, malgré son exiguïté, une demi-douzaine d’aventuriers

Remis de mes émotions, je contemple avec circonspection l’immense montagne qui me fait face.

C’est le Pizzo di Coca, sommet des Alpes orobiques, perché à 3000 mètres d’altitude, vers lequel me conduit mon itinéraire théorique.