Les Alpes orobiques d’ouest en est (juin 2020) – 3/3 – un final chaotique

Trois jours, trois reculades : l’ultime acte de ma traversée des Alpes orobiques n’aura pas été au niveau des deux premiers.

En rouge, le parcours final, remanié aux fil des contrariétés

Le premier renoncement survient au moment où je découvre le Pizzo di Coca. Du haut de ses 3052 mètres, c’est le sommet des Alpes bergamasques. Dès le départ, je savais que son franchissement serait l’étape la plus compliquée du trek, les voies de passages indiquées sur les cartes étant les plus corsées du massif. Les tenanciers du refuge Fratelli Longo m’avaient d’ailleurs affirmé qu’il était impossible de les emprunter sans équipement avant au moins la mi-juillet. De loin, je repère nettement les cols auquel je vais avoir affaire : ils paraissent complètement enneigés. Qui plus est, les prévisions météos sont mauvaises, le soleil qui m’accompagne depuis le lac de Côme devant laisser place, dès ce soir, aux nuages et à la pluie.

Entourée de rouge, la zone intimidante du Pizzo di Coca où passe le sentier

Je viens déjà de tester mes limites dans le Passo di Valsecca et n’entends pas les dépasser dans ceux, probablement plus hostiles, du Pizzo di Coca. Je préfère passer par la vallée et remonterai plus loin sur la crête. La descente elle-même est une épreuve de force : le sentier que je comptais suivre n’est plus en usage depuis des lustres, étouffé par la végétation ou barré par des éboulis. Je ne marcherai dans des conditions décentes qu’arrivé en fonds de vallée, sur les rives du ruisseau Nero ; d’ici-là, c’est la lutte.

Une descente au forceps

Au fil de la descente, vue sur le Pizzo di Coca…

…et la vallée du Nero

Je dois traverser deux fois ce torrent…

…manquant d’y perdre mon smartphone

De la vallée…

…une dernière perspective sur les hauts sommets…

…et je suis le cours du Nero…

Jusqu’à la grande vallée de Valbondione

En fin de journée, au camping du village de Valbondione, je m’offre une première douche salvatrice après huit jours de toilette sommaire. Comme prévu, la nuit est très pluvieuse ; au lever, de sombres nuages dissimulent les cimes. Me berçant d’illusions, j’espère retourner sur la haute route orobique au niveau du Pizze Tre Confini. Il m’en coûte une ascension sèche de 2000 mètres par la vallée de Lizzola, aussi épuisante que vaine.

Chronologie photographique de l’ascension

Je parviens certes, à travers la pluie et la brume, à rattraper le sentier principal, mais il fait le toboggan sur des pentes abruptes couvertes d’une neige parfois verglacée, et le brouillard épais m’empêche de repérer d’éventuels itinéraires alternatifs.

Dernier cliché pris avant que le brouillard m’enserre complètement

J’insiste une fois, deux fois, en contournant des névés trop glissants par des pierriers, mais il me faut vite renoncer. J’aimerais au moins garder le cap général du trek en quittant la crête par le col de Belvisio et la vallée septentrionale du même nom ; le versant nord de ce col se révèle si enneigé qu’il me faut là aussi reculer et me faire une raison : je ne sortirai pas des Alpes bergamasques par le nord-est et le village d’Edolo, mais par celui d’Esine, au sud-est.

Cela implique, dans l’immédiat, de me rabattre vers le sud et le lac du Gleno. Y fut construit, en début de siècle, un barrage à voûtes multiples si mal fichu qu’il céda au premier hiver sous le poids du réservoir créé et provoqua la mort de centaines de personnes dans les villages en contrebas.

La vallée du Gleno

Premier aperçu au sortir des nuages

La vallée et ses cascades

On distingue bientôt le lac…

…et à son terme, entre deux moutons…

…les ruines du barrage…

…et ses immenses voûtes, laissées à l’abandon depuis un siècle

Une bonne surprise vespérale me permet de digérer l’échec antérieur : l’abri que je vise, la baita Napoleù, si massif qu’on dirait un un chalet privé.

Et pourtant, c’est bien un refuge non gardé, libre d’accès, et très bien équipé !

En faisant du village d’Esine l’arrivée du trek, je pensais en avoir fini avec les contrariétés, le dernier massif dressé sur ma route culminant au Pizzo Camino, un sommet de moins de 2500 mètres. Que nenni ! Les pentes verticales du col de Varicia, par lequel transite la voie directe, sont trop verglacées pour être pratiquées. Je me vois astreint à un fastidieux détour, sous un orage imminent qui à l’heureuse idée de n’exploser qu’à l’instant où j’accède à l’annexe ouverte du refuge Gualtiero Laeng, fermé en semaine. Ouf ! C’est sous un toit gratuit que j’assisterai à la plus grosse tempête du mois de juin.

Vers le refuge Gualtiero Laeng

Le village de Schilpario…

…dont certaines maisons ont de l’allure

Le Pizzo Camino…

…on repère sur sa silhouette dentelée le col de Varicia, que je juge trop dangereux

Je redescends au niveau d’une fermette dominant Schilpario…

…contourne la montagne par le col d’Ezendola, et après trois kilomètres hors-sentier…

…rejoins à temps le refuge Gualtiero Laeng, si cerné de nuages…

…que son cadre ne dévoile ses charmes qu’au petit matin

Il ne me reste qu’à dévaler les pentes du Pizzo Camino, à destination de la plus proche gare ferroviaire.

Une matinée sans accroc

Je quitte les sommets….

…pour une forêt humide…

…puis une haute vallée…

…occupée par le village de Borno

La mairie de Borno

Le couvent voisin de l’Annonciation

La commune d’Esine

Dans le train qui mène à Brescia, je réexamine mes treks futurs à la lumière des déconvenues récentes et de la situation actuelle ; j’en viens à renoncer au trek autrichien, à étaler celui des Dolomites et à incorporer une étape préalable… au lac de Garde !