Au-delà du col du Sanetsch, le sentier faisant le tour du Wildhorn grimpe immédiatement à 2500 mètres d’altitude. D’ici au lapiaz de Ténéhet, le plateau calcaire où notre duo doit se séparer, il ne traversera plus que des plateaux rocailleux. Me refusant à bivouaquer dans ces étendues minérales hostiles et désirant éviter une nuit coûteuse dans la cabane gardée des Audannes, j’ai préféré proposer à Sacha de faire halte au col.
Si le choix d’y bivouaquer s’avère payant, notre nuit se déroulant sans accroc, il contraint fortement notre agenda. Pour des raisons professionnelles, Sacha doit en effet atteindre sa voiture avant 13h, histoire d’être de retour dans la banlieue lyonnaise en début de soirée. Elle est garée au bord du lac Tseuzier, situé à 1000 mètres de dénivelé positif et 1500 de dénivelé négatif du col du Sanetsch, sur un tracé qu’on imagine -à raison- exigeant. Pour arriver à temps, nous n’avons pas le choix : il nous faut partir en pleine nuit.
En violet, notre dernier jour de marche commun
Nous levons le bivouac dans l’obscurité et entamons à la lueur de nos lampes frontales l’ascension de l’Arpille, une étrange montagne de sable noir que nous grimpons par son arête. Son revêtement est rendu poisseux par des pluies n’ayant pas cessé de la nuit ; cela rend l’effort assez désagréable, surtout dans les premiers arpents, durant lesquels nous devons louvoyer entre des vaches endormies au milieu du chemin.
Alors que nous trouvons notre rythme de croisière, le soleil daigne enfin se lever, dévoilant autour de nous un paysage minéral mêlant hautes vallées, barres rocheuses, pitons pointus et glaciers, avec le massif du Mont Blanc en arrière-plan. Nous sommes d’autant plus coupés du monde qu’une épaisse couche de nuage voile toutes les terres situées sous les 2000 mètres d’altitude. Un moment privilégié qui marque l’apogée des dix jours de marche en Suisse.
Sur l’arête de l’Arpille
L’arête photographiée aux aurores
Au nord, la vallée du Sénin dont nous provenons
A l’ouest, le glacier de Tsanfleuron culminant aux Diablerets, sommet des Alpes vaudoises
Au sud-ouest, d’autres sommets des Alpes vaudoises ; à l’horizon, le Mont Blanc
Au sud, le Plan de la Fontaine, au-delà duquel les pentes plongent vers Sion
Sacha gravissant les derniers mètres de l’arête, avec le glacier en arrière-plan
Au sommet de l’Arpille, une grenade d’Antioche
Durant les 4 kilomètres qui suivent, nous pouvons récupérer de notre effort sur le long replat des Grands Gouilles, un plateau lunaire sublimé par la lumière matinale.
Les Grands Gouilles
L’arrivée sur le replat
Le sommet du Wildhorn se dévoile à notre gauche
Au cœur des Grands Gouilles
Le plateau est fermé au sud par le lapis de Tsa di Faye qui culmine au sommet du Sérac…
…et au nord par les pentes du Gältehore
Au terme des Grandes Gouilles démarre la seconde et plus rude ascension de la journée, vers le col des Audannes. La pente rocailleuse où se faufile la sente est bien vite recouverte d’une fine couche de neige glacée.
Dans l’ascension du col des Audannes
Le départ de la grimpe
Vue en arrière sur les Grands Gouilles…
…le Sérac…
…et les deux pris ensemble
Les pentes enneigées que nous traversons
La grimpe se conclue par deux passages techniques de différentes natures. Il faut d’abord surmonter un mur rocheux de 20 mètres où l’aide d’une corde est d’autant plus bienvenue que la neige rend la prise d’appui difficile.
Le premier passage technique
Une première corde accessoire aide à se hisser au niveau du mur rocheux
Une seconde permet de le longer…
…puis de l’escalader sur quelques mètres
Sacha dans le final
Le second passage est moins physique mais autrement plus impressionnant: il s’agit de franchir par des cordes, des échelles et des marches incrustées dans la roche une imposante falaise s’étendant du col des Audannes au sommet du Sex Noir. La séquence la plus vertigineuse de cette grimpe verticale survient lors d’un transit latéral au-dessus du vide, qu’on effectue sur de simples barreaux. De la petite bière pour un alpiniste, par pour un randonneur, même si l’impression de vertige est moindre en montée qu’en descente.
Le second passage technique
La barre rocheuse que nous devons franchir…
…s’étend jusqu’au Sex Noir
Le début de la grimpe
Une première échelle
Sacha dans le segment latéral
La suite de la grimpe, toujours sur des barreaux
La section finale sur des échelles
Juché à presque 2900 mètres d’altitude, le col des Audannes est le point culminant du tour du Wildhorn et de tout mon trek. Après avoir contemplé la vue, nous plongeons plus ou moins hors sentier dans les étendues lunaires des Audannes, jusqu’à la cabane du même nom. Étant dans les temps, nous causons une demi-heure avec son gardien, George Zoganas, un guide de haute montagne qui est également skipper et construit lui-même un immense voilier pour organiser des excursions de randonneurs dans les eaux méditerranéennes (voir ici son site).
La traversée des Audannes
Vue du col vers le nord et le sommet du Wildhorn…
…et vers le sud et les Alpes valaisannes
La descente des Audannes…
…sur un hors-sentier balisé
La cabane des Audannes sous divers angles
Suit une grimpe imprévue vers le col des Eaux Froides qui ralentit notre progression ; moins toutefois que la section finale, la traversée du lapiaz de Ténéhet, un labyrinthe de roches calcaires très accidenté où il faut souvent jouer des mains. Malgré la beauté des lieux, je ne prends quasiment pas de photos, l’essentiel étant d’atteindre le plus vite possible les hauteurs du lac de Tseuzier où Sacha a garé sa voiture ; à peine avons-nous eu le temps d’apprécier le panorama exceptionnel au passage du col.
Vues vers le Plan des Roses depuis le col des Eaux Froides
Sacha et moi arrivons avec une heure de retard sur mes prévisions au croisement où nos routes se séparent, en amont du lac Tseuzier.
Le lac vers lequel Sacha redescend
La voiture de Sacha est à moins d’une heure de marche.
La descente finale de Sacha
Pour ma part, je repars dans les hauteurs, vers le lac de Ténéhet, entamant la troisième section de mon trek, une marche solitaire de quatre jours en direction du lac Léman.