En ce début d’été 2019, j’ai programmé deux treks dans les massifs les plus élevés des Carpates : au nord de la chaîne, à cheval entre Slovaquie et Pologne, les Tatras, et au sud, intégralement en Roumanie, les Alpes de Transylvanie. C’est aux secondes que je me destine en premier lieu.
La plus haute montagne des Carpates roumaines, et plus largement méridionales, est la chaîne des monts Făgăraș, qu’on peut intégralement traverser par sa crête principale. Le randonneur Simon Dubuis a minutieusement décrit l’itinéraire dans un guide qui constitue ma première source d’inspiration.
A bon rythme, il faut une petite semaine pour suivre le tracé de bout en bout. Ayant deux journées de plus à disposition, j’allonge considérablement le parcours en y ajoutant la traversée préalable de deux autres massifs, les monts Bucegi et l’impressionnante arête de Piatra Craiului. J’entends consacrer au moins trois jours à cette introduction, puis avancer le plus loin possible sur la crête des Făgăraș, au minimum jusqu’au lac Bâlea.
C’était sans compter sur ce même obstacle qui a déjà gâché mon trek précédent dans les Apennins : la persistance inhabituelle des neiges, du fait de l’abondance des chutes hivernales et d’une vague de froid ayant frappé toute l’Europe en mai et retardé sa fonte. Après avoir compliqué mon passage dans les monts Bucegi, la neige me stoppera net au milieu des monts Făgăraș, au pied de son point culminant, le Moldoveanu. J’en serai quitte pour un road-trip conclusif de deux jours entre les villes du plateau transylvanien.
Les six parties de mon trek roumain (lien openrunner des étapes 1, 2, 4 et 5)
Bien d’autres contrariétés feront du trek l’une de mes aventures européennes les moins plaisantes :
→ un voyage aller très poussif, entre des covoiturages galères vers l’aéroport perdu de Beauvais, une nuit pluvieuse dans une forêt bordant l’aéroport, dans une tente dont j’ai oublié les sardines, enfin un combo retard d’avion / passage interminable à la douane qui mange les 3 heures que j’entendais consacrer au centre-ville de Bucarest, capitale dont je ne verrai que les immeubles en ruine bordant la gare ;
→ un climat éprouvant, des averses torrentielles de la première nuit au brouillard pourrissant mon passage dans les monts Bucegi, des risques d’orage permanents, plusieurs fois concrétisés par de puissants épisodes de grêle, à l’insoutenable canicule finale frappant la plaine transylvanienne dans laquelle je me suis replié ;
→ une faune et une flore parfois oppressante dans la transition entre le Piatra Craiului et les monts Făgăraș, entre mouches innombrables et troncs arbres obstruant la voie en permanence, sans parler de la menace latente que représente l’ours, plus présent dans cette zone que partout ailleurs en Europe ;
→ un trek globalement très physique, avec un gros dénivelé quotidien et un passage dans le Piatra Craiului qui s’apparente à de l’escalade et durant lequel je prends conscience que ma passion est la randonnée, pas l’alpinisme ;
→ le tout en totale autonomie pendant huit petite journées, si l’on excepte un repas pris le deuxième jour dans le refuge gardé d’Omul, autonomie complète à laquelle je suis peu habitué et qui implique des repas frugaux et un sac nettement plus lourd qu’à l’accoutumée.
Malgré et peut-être grâce à ces difficultés, je garde un souvenir épique de ces neuf jours de marche chargés en émotions. Outre les paysages et la nature sauvage, je me remémore avec plaisir chaque rencontre avec les locaux. Tous se sont montrés avenants, curieux, généreux ; ils m’ont sorti du pétrin à trois reprises sans rien attendre en retour. Quant au road-trip final improvisé en Transylvanie, il m’a permis de découvrir quelques fleurons de l’architecture roumaine.
Autre satisfaction, le test réussi d’un nouveau matériel acquis dans l’optique de mon Tour du monde occidental : un sac Osprey Exos 58L qui permet d’emporter sans problème dix jours de vivres et ma nouvelle tente Zpacks, incroyablement légère qui démontre son imperméabilité dès le premier soir. Déjà testé en Grande-Bretagne, mon nouveau smartphone, le Pocophone, combiné à une batterie de 26000mAh, remplit parfaitement son rôle, que ce soit en terme d’application GPS, d’autonomie, de photographie ou de confort de lecture.
Signalons enfin un avantage inestimable des Carpates roumaines sur leurs cousines slovaques, visitées dans la foulée : si ces dernières sont indiscutablement plus grandioses, y bivouaquer est une gageure, entre l’interdiction du camping sauvage et l’absence de cabane dans les Hautes Tatras. A l’inverse, en Roumanie, aucune règle ne vient restreindre la liberté du randonneur : le bivouac est partout autorisé, et même encouragé, comme en atteste la profusion de refuges non gardés autour de ses cimes principales.
Un seul conseil à ceux qui voudrait se rendre là-bas : attendez plutôt l’été !