Un arrangement professionnel classique me permet de dégager cinq bonnes journées à la fin du mois d’août. Histoire d’éviter la canicule, j’entends m’attaquer au nord de l’Europe. Une ligne low-cost relie directement Rennes à Southampton, ville proche du littoral sud de l’Angleterre. J’inspecte ce dernier sur internet à la recherche d’une marche de quatre ou cinq jours et découvre la côte Jurassique et ses falaises calcaires, équivalent britannique de la côte d’Albâtre normande. On peut les longer sur des sentiers faisant partie du South West Coast Path, le GR le plus renommé et fréquenté du pays. Banco!
La section sur laquelle je me suis concentré, située dans le Dorset, est la plus célèbre mais pas forcément la plus belle, plusieurs randonneurs que j’ai croisé la plaçant derrière la côte de Cornouaille dans leur hiérarchie personnelle. A la fois par manque de temps et pour varier les plaisirs, je l’ai abordée par les terres et le village de Wareham, que j’ai rallié en train depuis l’aéroport de Southampton. A partir de Wareham, j’ai rejoint la côte Jurassique au terme d’un détour rural par le château de Corfe. J’ai atteint la mer au niveau de Worbarrow Beach, quelques kilomètres avant le site le plus emblématique du Dorset, la Durdle Door, vis-à-vis anglais de l’Aiguille d’Etretat. J’ai ensuite suivi la côte Jurassique jusqu’à son terme, avec une infidélité à hauteur de la pointe de Weymouth, histoire de gagner du temps et d’éviter de longs passages sans intérêt sur d’immenses plages rectilignes. Je devais achever ma marche à Exmouth, près de la ville d’Exeter, où m’attendait un avion pour Paris ; suite à un gros contretemps, je n’ai pu aller au-delà de Sidmouth, une autre station balnéaire du comté du Devon.
Les cinq jours du trek (lien openrunner)
Globalement, cet itinéraire de plus de 130 bornes, dont le tracé s’est révélé bien senti, fut de bout en bout une bonne surprise. Seuls bémols, les villes de Southampton et Exeter que j’ai visité en introduction et en conclusion, à peine plus stimulantes que celle de Dublin, et la trop grande affluence touristique dans le Dorset, région où la concentration de campings est sans égale en Angleterre. Je ne garde que de bons souvenirs du reste, des paysages côtiers et ruraux, tous pareillement verdoyants, de l’architecture, basée sur la vieille pierre dans les hameaux campagnards et mêlant bois, brique et façades blanches dans les stations balnéaires, des Anglais rencontrés, tous chaleureux et affables, et même de la nourriture. De la nature, des constructions et des hommes émane une atmosphère commune, homogène, typiquement british, à laquelle je ne pensais pas être si sensible.
Sur le plan physique, je ne m’attendais pas à une randonnée aussi corsée. La côte atteint fréquemment les 150 mètres de hauteur et s’élève soudainement à la sortie de chacune des innombrables criques que j’ai traversées. Dans le Dorset comme le Devon, c’est à une suite continue de toboggans qu’on a affaire, d’autant plus rude que les Anglais ne connaissent pas le concept du lacet : la plupart du temps, le sentier herbeux file tout droit dans des pentes à fort pourcentage. Lors des 40 bornes avalées durant la troisième journée, la répétition des efforts m’a tellement cassé les pattes que le lendemain, je me traînais comme une limace dans les rudes ascensions du Dorset occidental puis du Devon. De fait, cette quatrième journée fut probablement la plus difficile de l’année 2017, loin devant celles en haute montagne. J’aurais eu grand besoin des bâtons dont je me suis enfin muni à l’occasion du trek suivant dans le Verdon, après des années à refuser bêtement d’en faire usage.
Cinq jours n’auront pas suffi à épuiser ma fascination inattendue pour les paysages britanniques ; je remettrai le couvert en 2018, dans le Dartmoor, et surtout en 2019, , avec mon frère, à l’occasion d’un road-trek inoubliable à travers toute la Grande-Bretagne.