Le parcours du sentier cathare est, en son milieu, divisé en deux variantes. Ceux qui ne veulent rater aucun site architectural passent par le sud et le château de Puilaurens ; ceux qui leur préfèrent les sites naturels passent par le nord, histoire de découvrir la partie la plus sauvage et perchée de ce massif des Corbières qu’ils traversent depuis le départ. C’est dans cette zone, s’étendant entre les gorges de Galamus et le Pech de Bugarach, que notre duo élabore une boucle de 43 kilomètres et 2200 mètres de dénivelé, à réaliser en deux petites journées.
Ladite boucle (lien openrunner)
La nuit tombe au moment où nous garons notre voiture aux abords des gorges de Galamus, que nous visiterons au terme du circuit. Pour l’instant, nous filons vers notre emplacement de bivouac, le Pla de Brézou, replat herbeux coincé 350 mètres plus haut, entre deux pics rocheux, le Pech d’Auroux et le Pla de Saint-Paul. Nous y déboulons en pleine nuit ; c’est à la lumière des lampes frontales qu’il faudra dresser le tarp que nous venons de nous procurer ! Cette grande première n’est pas une franche réussite, même si nous passerons une nuit correcte dans notre nouvel abri.
Le bivouac du Pla de Brézou
Notre tarp douteusement tendu sur une pelouse…
…cernée par les contreforts du Pla de Saint-Paul…
…et du Pech d’Auroux…
…que le soleil vient vite illuminer
A peine réveillés, nous attaquons les pentes abruptes du Pech d’Auroux, derrière lequel se cachent les gorges de Galamus.
L’ascension du Pech d’Auroux
Un raidillon rocailleux…
…nous mène sur une crête…
…qui s’élève vers un premier sommet…
…d’où nous pouvons admirer le village de Soulatgé…
…et à sa droite, le roc de Sagnes…
…pointe occidentale d’une crête qui file vers le château de Peyrepertuse, qu’on devine au centre de la photo
La transition hors sentier vers le Pech d’Auroux
Du Pech d’Auroux, une première vue sur le Pech de Bugarach…
…et en contrebas…
…les gorges de Galamus
Le soleil tape déjà fort au moment où nous dépassons les gorges. Nos réserves d’eaux, qu’Ivonig jugeaient trop justes avant le départ, s’amenuisent déjà ; nous décidons d’aller les reconstituer au village de Cubières-sur-Cinoble, où nous grattons également, malgré la fermeture des commerces, une salvatrice canette de coca frais.
Ce détour ne suffit pas à régler notre problème, et nous devrons constamment, lors des 24 heures qui suivent, rationner notre consommation d’eau, contrainte d’autant plus pesante que nous faisons des efforts inutiles en nous égarant plusieurs fois sur la route du col de Péchines, première étape de l’ascension du Pech de Bugarach.
Au col, à hauteur duquel nous devons déjeuner, nos faibles réserves en eau m’incitent à prospecter dans les vallons alentour, histoire de dégoter un ruisseau où faire la vaisselle. Ils sont tous asséchés, tant et si bien qu’il me faudra laver nos ustensiles dans le plan d’eau boueux du Campeau, situé 70 mètres sous le col. Cet endroit étant théoriquement celui où nous passerons la nuit, au retour du Pech de Bugarach, j’ai la fausse bonne idée d’y laisser un des deux sacs à dos, avec notre linge et notre système de couchage. Pris par le temps et désireux de nous laver, nous opterons finalement pour les abords de la cascade des Mathieux, ce qui me contraindra à un aller-retour vespéral d’une heure pour récupérer le sac maudit.
Autre source d’inquiétude : nous approchons le Pech de Bugarach par un sentier de crête officieux, qui existe bel et bien, est plaisant mais termine sa course sur une paroi verticale particulièrement hostile. Plus nous approchons et plus nous doutons de pouvoir atteindre le sommet par cette voie ; c’est non sans une certaine appréhension que nous arrivons au pied du mur.
Des gorges de Galamus au Pech de Bugarach
Le superbe sentier descendant à Cubières-sur-Cinoble
Ledit village
Son austère église catalane
Le vallon du Sarrat de Calmet ; au loin, la forêt des Pradasses, par laquelle nous devons atteindre le col de Péchines
A gauche, le col, d’où démarre la crête qui mène vers le Pech de Bugarach, visible au fond
A notre droite, le village de Camps-sur-l’Agly, bâti sur les flancs d’un roc calcaire
Ivonig avance avec méfiance sur une arête buissonneuse conduisant…
…au pied du Pech de Bugarach
Vue en arrière sur la crête parcourue…
…et sur la vallée longée toute la journée
Nos craintes se vérifient : l’arrivée au Pech de Bugarach par le sud-est est particulièrement tendue. La plupart des passages ne présentent pas de grosses difficultés, soit parce que l’escalade y est sans danger, soit parce que des cordes aménagées dans la paroi nous donnent de l’assurance ; à deux reprises toutefois, nous affrontons de petits murs verticaux qu’il faut grimper sans aucune aide ; mon frère a un peu de mal à y conserver son sang-froid, et s’il les franchit dans le sens de la montée, il n’aurait pas pu le faire dans celui de la descente.
Passé un sommet secondaire, les difficultés s’estompent, mais pas les passages en balcon vertigineux ; l’un d’eux m’impressionne plus que la partie d’escalade qui a précédé, et je suis étonne de voir mon frère y évoluer sans aucune crainte. Finalement, nous arrivons en un morceau au sommet du Pech de Bugarach et profitons des lieux dans une solitude complète.
L’ascension du Pech de Bugarach
Un des murs munis de cordes
Mon frère n’y fait pas le malin
Un pic secondaire, à gauche, et le principal à droite
La sente reliant ces deux sommets…
…est parfois plus que douteuse
Du sommet, vue vers le nord et une autre culminance…
…et vers l’est et l’arête arpentée toute la journée ; au fond, le Pech d’Auroux
Les roches escarpées entre lesquelles nous nous infiltrons au début de la descente
Une descente soutenue et nous atteignons, en amont de la bergerie de Malquier, un carrefour de sentiers.
Nous sommes puants de sueur, désirons nous laver et tombons de ce fait d’accord pour dormir en contrebas, près de la cascade des Mathieux. Mon frère s’y rend directement, dans l’objectif de repérer un spot de bivouac, pendant que j’exécute un aller-retour au pas de course vers le Campeau, où j’ai bêtement déposé le second sac à dos.
Non sans m’être quelque peu perdu sur le chemin du retour, je retrouve le frérot près d’un cours d’eau glacé où nous nous octroyons une salvatrice toilette nocturne, avant de dresser notre bivouac et de manger au coin d’un feu dont nous profitons longuement, malgré notre relative déshydratation.
Le second dressage du tarp, bien plus abouti que le premier
Nous retournons aux gorges de Galamus via un parcours de presque 15 kilomètres, parallèle à celui de l’aller et transitant par la prairie du Campeau, puis l’arête du roc Paradet, enfin le ravin de la Coume de Tiols, en fait un lit de ruisseau asséché où nous devons jouer des mains durant d’éprouvantes séances de désescalade.
Du Pech de Bugarach aux gorges de Galamus
Le Pech de Bugarach pris au réveil
Nous traversons les pâturages de Sabinau…
…le vallon herbeux du Campeau…
…les pentes douces du roc Paradet…
…d’où l’on admire une dernière fois le Pech de Bugarach…
…et nous enfonçons finalement dans le ravin de la Coume de Tiols…
…dont nous ne resurgirons qu’après une heure d’effort
Ledit ravin vu de la suite du parcours
Le ravin de la Coume de Tiols rejoint celui des gorges de Galamus au niveau du hameau de la Tirounière, où nous aurions pris le temps de nous baigner si nous n’étions pas déjà propres, et surtout morts de soif. Sans attendre, nous traversons le ruisseau, gravissons la paroi opposée et déboulons sur une route goudronnée qui file vers les gorges et l’extraordinaire ermitage de Galamus, dont la visite conclut en beauté notre circuit.
L’ermitage de Galamus
L’entrée des gorges de Galamus…
…dont le canyon est particulièrement exigu
Dans sa paroi orientale est encastré un édifice religieux presque aussi charmant que le Chozoviotissa d’Amorgos
Gros plan sur l’ermitage…
…et les gorges étroites qu’il domine
Dans la foulée, nous retournons à la voiture, nous réhydratons puis filons vers la pointe orientale des Corbières, la Serra de Vingrau, nom désignant deux barres rocheuses rapprochées faisant face à la Méditerranée et propices à l’escalade. Nous y avons prévu une dernière et modeste boucle, et surtout l’ultime nuit du séjour, dans le refuge Yves Bernard, un abri non gardé niché dans le Córrec dels Collets, l’étroite vallée qui sépare les deux cordons calcaires.
L’arrivée dans la Serra de Vingrau
La boucle effectuée (lien openrunner)
Vue d’ensemble de la Serra
Le Córrec dels Collets où nous cherchons l’abri, vue d’en bas…
…et d’en haut, le lendemain
Le refuge Yves Bernard
Ragaillardis par une nuit réparatrice, nous nous hissons sur la crête la plus saillante de la Serra, qui toise de 400 mètres les vallées alentour, puis la parcourons de bout en bout. Sa végétation buissonneuse et ses roches calcaires érodées me rappellent furieusement les Calanques de Cassis.
Dans les hauteurs de la Serra de Vingrau
Depuis le Córrec dels Collets…
…nous rallions une crête accidentée…
…au revêtement minéral exigeant…
…d’où l’on peut admirer le village de Tuchan, dominé par les pentes nues du roc Fourcat…
…celui de Paziols…
…et au loin, les sommets orientaux de la chaîne pyrénéenne
Alors que le chemin de crête s’adoucit…
…le village et les vignobles de Vingrau apparaissent en contrebas
De l’autre côté se dresse le Serrat de la Nereda, dont la silhouette m’évoque celle de la roche de Solutré
Un dernier coup d’œil sur la chaîne des Pyrénées et nous filons en voiture vers le dernier objectif du road-trek, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de la cité de Carcassonne !